Alors que le front social connaît une agitation sans précédent, la direction de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) garde le silence, donnant ainsi l'impression d'être dépassée par les évènements. Le vieux syndicat, qui nous a habitué, ces dernières années, à le voir intervenir en pompier avisé, se tient en retrait, ne serait-il pas piégé par la signature du pacte économique et social (en 2006) et la caution du processus de “paix sociale” en général ? En tout cas, le silence de la Centrale syndicale UGTA contredit l'esprit de ses textes, qui définissent l'organisation comme “une organisation syndicale démocratique, revendicative et indépendante de toute tutelle”. Il contraste également avec le contexte (théoriquement) plurisyndical, surtout avec les missions d'“organisation syndicale unitaire ouverte à tous les travailleurs”, à l'écoute des problèmes et des préoccupations des travailleurs. Pourtant, l'année dernière, l'organisation dirigée par Sidi-Saïd a fait parler d'elle, en s'impliquant dans la hausse du SNMG et l'élaboration des conventions collectives et de branches. En optant pour le mutisme, alors que des luttes sont menées actuellement dans le monde du travail, y compris chez des syndicats qui lui sont affiliés, l'UGTA, seule organisation reconnue officiellement par les pouvoirs publics et seul syndicat membre de la tripartite, risque de conforter ceux qui persistent à dire que “l'UGTA n'est plus ce qu'elle était”, ou encore ceux qui pensent que “l'hégémonie de l'UGTA est bel et bien terminée sur le terrain”. Pour ces derniers, l'arrivée en force des syndicats autonomes ou de corporation, dont certains ont déjà apporté la preuve de leur grande capacité de mobilisation, aurait fait perdre le gros des troupes de l'UGTA, dans la Fonction publique, essentiellement dans les secteurs de la santé, de l'éducation et de l'enseignement supérieur. Les plus importants reproches dirigés contre la direction de l'UGTA sont, outre la “logique carriériste” dominant au secrétariat national, son soutien inconditionnel au pouvoir sous l'argument de “la stabilité nationale” et son indifférence vis-à-vis des autres syndicats ou son “affront à l'esprit de solidarité syndicale” qui devrait l'animer. En février dernier, à l'occasion de la célébration du 54e anniversaire de la création de l'UGTA, le secrétaire général de ce syndicat, Abdelmadjid Sidi-Saïd, a réitéré son “soutien total” au président Bouteflika, à son programme d'investissement et de développement 2010-2014, de même qu'aux mesures économiques prises dans le cadre des lois de finances depuis 2009. Très récemment, le patron de l'UGTA a salué les dernières mesures annoncées par M. Bouteflika, lors du dernier Conseil des ministres, considérant que celles-ci “sont de nature à ancrer davantage la dynamique dans la voie de la cohésion nationale et du développement économique et social” en faveur du monde du travail. L'UGTA s'est également exprimée sur le dernier discours de M. Bouteflika à la nation, soulignant que les réformes proclamées sont “une réponse claire et sans équivoque aux aspirations des travailleuses et des travailleurs”. Si dans les rangs de l'UGTA, des syndicalistes de la base poursuivent la lutte “sans toutefois reconnaître cette Centrale bureaucratique et figée dans ses positions” et ambitionnent de la “libérer (…) pour la rendre aux travailleurs”, le point de vue des syndicats autonomes diffère. Dans ce milieu, d'aucuns ont compris que l'actuelle grogne sociale est une des rares occasions d'en finir avec “l'hégémonie de l'UGTA, derrière laquelle se cache le pouvoir pour empêcher l'émergence du pluralisme syndical”.