C'est le grand jour. Achour Abderrahmane a comparu hier à la barre et a dit sa vérité, il a craché les petits morceaux et en a avalé d'autres, les plus gros. Il faut lui reconnaître une chose, et pas des moindres, son intelligence rare et son savoir, mais surtout sa force de conviction au point où les magistrats et les avocats de la défense n'ont rien trouvé à dire. Des chiffres, des dates, des lieux et des personnes, rien ne lui échappe. D'emblée, Achour déclare : «C'est une dilapidation fictive et je défie les experts, les inspecteurs et autres de me démontrer le contraire.» Et d'ajouter avec certitude : «Mon extrait de compte a été de 1 million de dinars sans un dinar de plus.» Achour Abderrahmane a demandé le sort réservé aux 1957 chèques disparus, des pièces à conviction qui, selon lui, peuvent éclairer la justice. Le magistrat a exhibé le rapport des experts qui est accablant et qui incrimine l'accusé. Achour revient à la charge : «Vous savez, monsieur le président, les experts dont vous parlez m'ont dit ceci : si vous êtes poursuivi à cause de ces procédures, vous ne serez pas le seul à séjourner en prison.» Sur les raisons qui ont poussé Achour à fuir au Maroc, il explique : «Je me suis rendu au Maroc le 5 février 2005 car la veille j'ai reçu un coup de fil me disant ceci : "ON" veut vous mettre en prison et vous utiliser comme bouc-émissaire.» Le juge : «Qui sont ces gens-là ? Donnez-nous des noms.» Achour : «Je ne donnerai pas de nom, ils sont bien placés !» Achour furieux ajoute : «Si je voulais fuir au Maroc et si j'avais des choses à me reprocher je ne serais pas devant vous maintenant. Car les autorités marocaines m'ont dit en ces termes : si vous ne voulez pas partir chez vous on vous garde et c'est votre droit. Mais comme j'ai une bonne foi et je suis certain que je suis net, j'ai accepté de m'y rendre. J'ajouterai autre chose, monsieur le juge, si vous le permettez.» Le juge : «Allez-y.» Achour : «Mes comptes étaient débiteurs de 65 milliards et j'ai réglé le tout en 2003. Je suis une bombe dont il faut se débarrasser.» Le juge l'interroge sur l'inexistence de nombre de ses sociétés, en d'autres termes de sociétés fictives puisque la plupart n'ont pas de biens matériels. Achour étale ses réponses et n'emprunte pas de chemins détournés : «Comment expliquez-vous ma collaboration avec des sociétés étrangères (des sociétés françaises et chinoises) qui viennent en Algérie munies uniquement d'un ordinateur portable ?, les choses ont changé, monsieur le président, je n'ai pas besoin d'acheter du matériel puisque je peux le louer.» «Tu as acheté la briqueterie de Mohamed Boudiaf au Maroc ?» «Allah Yerahmou, c'est faux. Que celui qui vous a dit cela ramène l'acte. Je suis un homme d'affaires au sens propre du terme et normalement à chaque fois que la banque envoie un de mes chèques (soit disant sans provisions) elle doit joindre le numéro du chèque et le montant retiré. Où sont ces chèques ? C'est la question qu'il faut se poser monsieur le juge, la police a tout pris. Et je vous ajoute autre chose : si vous ramenez ces chèques et que vous trouvez qu'ils sont sans provisions, coupez-moi la tête», a encore déclaré Achour Abderrahmane. L'accusé est mis à la disposition du parquet qui demande : «Où est l'argent ?» Achour répond : «Je le répète pour la énième fois, les 3200 milliards représentent mon chiffre d'affaires et non l'argent pris des caisses de la BNA. Même le ministre des Finances, dans l'une de ses déclarations, a signifié qu'aucune banque ne détient un tel chiffre. Mes chèques ont des montant à 7 chiffres et jamais à 9 chiffres.» Le magistrat intervient : «La vérité a été cachée ya si Achour !» Achour renchérit : «La faille de la banque nationale d'Algérie a débuté en 1996 et maintenant on veut me coller tout, chose que je n'accepte pas. Et puis il faut voir les rapports des services des impôts car j'ai fait l'objet de 4 contrôles fiscaux et les quatre sont positifs. Nous sommes dans un match de rugby où chacun lance la balle à l'autre et chacun essaye de passer même s'il faut briser l'autre.» Achour Abderrahmane continue de se défendre et déclare : «Heureusement que je suis en prison et que je suis protégé, sinon on aurait réglé mon compte en m'étiquetant de terroriste.» Enfin, l'accusé clôt son intervention sur une interrogation de taille qui laisse l'assistance sous le choc : «Comment expliquez-vous que mes affaires continuent de fonctionner, à l'image de la carrière de Berrouaghia qui est dotée d'un matériel de dernière génération, alors que normalement et officiellement elle devrait être sous séquestre ? Des questions auxquelles les jours à venir apporteront peut-être des réponses. Attendons pour voir. A suivre…