Achaque rendez-vous mondial ou continental, les Algériens, mordus du foot, éprouvent les sempiternelles frustrations de rater ces compétitions suivies aux quatre coins de la planète. A quelques jours du coup d'envoi de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN), cette fatalité psychologique se réinstalle chez les férus du ballon rond tant l'esprit maquignon qui anime les dirigeants de la CAF, à leur tête l'indéboulonnable Issa Hayatou, dicte encore sa loi. En cédant les droits de diffusion de la compétition contre toute logique concurrentielle, à Sportfive, la firme du géant et sulfureux groupe français Lagardère, l'organisation continentale aura fermé le jeu. Et jusqu'en 2028 ! Dans ce marché de dupes, on a fait venir un troisième larron, BeIN Sports en l'occurrence, pour se partager le gâteau Afrique. Boulimique, le groupe médiatique qatari a tout acheté laissant des millions d'Africains sur leur faim. Au propre et au figuré ! Du coup, si vous n'avez pas acquis au prix fort le receveur satellitaire siglé BeIN, vous avez toutes les chances de rater cette fête du football africain. Il faut dire que ce machin n'est pas la portée de tous a fortiori en ces temps de «takachouf» national… A plus de 50 000 dinars l'unité, rares sont les Algériens, aussi footeux soient-ils, qui peuvent s'offrir ce précieux gadget made in Qatar. Les offres promotionnelles lancées sur le fameux «forfait CAN» lancé à grand renfort publicitaire par BeIN n'est curieusement plus disponible. Normal, pour nos frères du Golfe, la Coupe d'Afrique est une occasion en or pour faire du pognon surtout dans un pays comme l'Algérie où le football est un exutoire social, une évasion psychologique et un catalyseur… politique. Mais à l'heure qu'il est, les téléspectateurs algériens moyens ne savent pas trop où suivre les matchs des Verts. Et c'est un scandale que nous ne puissions pas regarder notre équipe nationale jouer au Gabon ! Cela équivaut, toutes proportions gardées, à une atteinte à la souveraineté nationale. C'est une triple arnaque en bonne et due forme dont s'est rendue coupable la CAF de Hayatou, Sportfive de Lagardère et BeIN Sport de l'émirat du Qatar. Une arnaque contre le football qui est juste un sport ; une arnaque contre les téléspectateurs algériens voire nord-africains qui ne verront pas leurs équipes se produire. Et une arnaque contre le bon sens dans la mesure où ce mariage de raison à trois s'est fait sur le dos des Africains qui vont produire du spectacle qu'ils ne pourront pas voir… C'est tout de même ignoble de priver ce continent de quelques jours de plaisir pour oublier ses terribles souffrances de tous les jours. La CAN de foot est l'un des rares sinon le seul moment où l'on voit de belles choses de l'Afrique qui nous éloignent, le temps d'un tournoi de quinze jours, de la famine, des massacres, des coups d'état, des mutineries, de l'exploitation d'enfants, de l'excision et des élections truquées. Pourquoi donc l'empereur Hayatou impose sa griffe, et offre un pont d'or à Lagardère et BeIN Sports alors qu'il est au crépuscule de son règne de 27 ans ? Pour quelle raison il frustre des millions d'Africains de jouir gratuitement ou à tout le moins à un prix abordable, des exploits de leurs joueurs ? Il est rageant que nous soyons obligés encore une fois, de nous tourner vers les Qataris et les Français pour avoir droit de suivre une compétition africaine qui va se dérouler en Afrique et par des Africains. L'Union africaine doit urgemment intervenir pour mettre fin au diktat de la CAF à la tête de laquelle la mentalité du colonisé semble prégnante. La réappropriation de la CAN est aussi une forme de libération de l'Afrique.