Evasion fiscale, conflits d'intérêts, orgies pour attendrir des présidents, contrats sur mineurs... Le mois dernier, les Football Leaks, ces millions de documents confiés à l'hebdomadaire allemand Der Spiegel ont mis à jour la face nauséabonde du football international. En France, le site Mediapart a révélé que Paul Pogba échappait à l'impôt en dissimulant ses droits à l'image, que Radamel Falcao (Monaco) était couvert par l'agent portugais Jorge Mendes, que Angel Di Maria et Javier Pastore (PSG) touchent une partie de leurs revenus dans des paradis fiscaux. Le 16 janvier, les Football Leaks ont montré comment la revente du LOSC présentait un risque de confier le club nordiste, et à travers lui l'agglomération lilloise, à un assemblage de sociétés offshore. Fruit de la collaboration d'un consortium européen, l'EIC (European Investigative Collaborations), regroupant douze organes de presse et soixante journalistes, les Football Leaks ont aussi révélé des scandales dans toute l'Europe. De portée internationale moindre, ils ont souvent eu un écho et un impact local forts. Des Pays-Bas à la Serbie, les autres membres de l'EIC nous ont livré les révélations qu'ils ont choisi eux d'exploiter pour leurs lecteurs, dans leur pays. La belle façade Laudrup se fissure La plus grosse histoire mise en lumière par le membre danois de l'EIC, le quotidien Politiken, est celle de Michael Laudrup. Icône du football danois, l'ex-international, milieu du Barça devenu entraîneur du club anglais de Swansea, était un homme respectable et respecté. Les révélations des Football Leaks ont cassé le mythe. Elles ont révélé que Laudrup avait été viré de son poste d'entraîneur de Swansea parce que le club suspectait qu'il profitait de commissions de son agent depuis plus de vingt ans, Bayram Tutumlu, pour un total de plus de 4 millions d'euros sur sept contrats de transferts. Un conflit d'intérêt qui a écorné la réputation du monsieur Football danois. Les fantômes de Limassol En Serbie et en Roumanie, le site d'information The Black Sea, membre de l'EIC, s'est penché sur les joueurs fantômes de l'Apollon Limassol. Le club chypriote a acheté des joueurs qui n'ont jamais mis les crampons sur sa pelouse. Exemple : le défenseur roumain Cristian Manea est arrivé dans le club belge de Mouscron en 2015, prétendument prêté par Chelsea. Mais il n'a jamais appartenu au club anglais. Il avait été acheté 2,5 millions par Limassol, deal qui a permis à une société offshore basée à Malte de récupérer 40% du transfert. Les articles ont bien détaillé le rôle de «clubs passerelles» qui contournaient les règles de la Fifa interdisant le commerce de joueurs pour raisons non sportives. Le séisme Ronaldo Le quotidien El Mundo s'est, évidemment, concentré, dès le premier jour des révélations des Football Leaks, sur le cas de la star du Real Madrid, Cristiano Ronaldo, et ses 150 millions de revenus dissimulés dans des paradis fiscaux. Un impact démultiplié par la date de cette publication, le samedi 3 décembre 2016, jour du Clasico FC Barcelone – Real Madrid (1-1), juste avant qu'il ne reçoive son quatrième Ballon d'Or. L'onde de choc s'est propagée immédiatement avec l'interdiction faite à El Mundo de publier ces révélations, un ordre qui, selon les journalistes espagnols, a «mis l'opinion de notre côté : même si certains s'opposaient à la publication de documents volés, une telle censure est en grande partie rejetée par la société espagnole.» Le bon coup de Mou Le Sunday Times a axé sa recherche dans les Football Leaks sur José Mourinho. Le coach de Manchester United aurait dissimulé 12 millions d'euros en Suisse sur des comptes détenus par des sociétés offshore pour échapper au fisc. Dès son premier jour de publication, le 4 décembre en Angleterre, le scandale est relayé par les plus grands médias du pays, la BBC reprend même copieusement le dossier sur toutes ses plateformes : télé, radio et Web. Ce bon vieux trio kazakh Le Soir, partenaire de l'EIC, a publié les révélations sur les plus grands noms du dossier. Mais la Belgique a aussi été sensible au fait de retrouver en une du quotidien bruxellois le «trio kazakh», «trois mousquetaires bien connus aux côtés de la famille Arif». Les frères Arif contrôlent le groupe Doyen Sports, un fonds d'investissement qui s'était spécialisé par la pratique, aujourd'hui interdite, de la TPO (third party ownership) consistant à vendre et acheter des «parts» de joueur de foot en vue de spéculer dessus. Footbal Leaks a révélé que les Arif étaient proches du «trio kazakh», trois hommes d'affaires à l'origine du Kazakhgate dès 1990, une série de scandales de corruption qui avait touché la Belgique, puis l'Elysée en 2011.