Mir Hossein Moussavi, le chef de file du mouvement contestataire en Iran, semble déterminé à aller au bout de sa principale revendication : l'annulation des résultats du scrutin présidentiel pour cause de «fraude» et «d'irrégularités». Réclamant l'organisation d'une nouvelle consultation électorale il affirme être soumis à de fortes pressions pour qu'il renonce à appeler à la mobilisation populaire et faire aboutir sa requête. «Je ne renoncerai pas à obtenir des droits pour le peuple iranien (...) à cause d'intérêts personnels ou par peur des menaces», a-t-il soutenu, malgré les multiples difficultés dressées sur son chemin et l'essoufflement des manifestants. Brouillage et fritures Après l'interdiction de paraître décrétée contre leur journal Kalemeh Sabr et l'arrestation de 25 journalistes et membres du personnel de ce quotidien, qui répercutait toutes les informations en rapport avec la campagne électorale de Moussavi, les animateurs du mouvement de contestation ont toutes les peines du monde à communiquer entre eux et en direction de leurs sympathisants compte tenu du «brouillage» de leur site internet et des «fritures» sur leurs lignes téléphoniques. «(…) Cette situation n'améliore pas l'atmosphère et va conduire à plus de violence», a estimé Moussavi, qui enregistre néanmoins un soutien de taille en la personne de l'ayattollah Montazeri. Ce dernier a notamment déclaré que «si le peuple ne peut pas revendiquer ses droits légitimes dans des manifestations pacifiques et est réprimé, la montée de la frustration pourrait détruire les fondations de n'importe quel gouvernement aussi fort soit-il». Le maire de Téhéran, Mohamed Baquer Qalibaf, un autre dignitaire du régime, a estimé de son côté «qu'une partie de la population se pose des questions sur le déroulement du scrutin et cela (…) ne peut être résolu par la force». Pour l'heure, les candidats Moussavi et Karoubi, réputés modérés, campent sur leurs positions en dénonçant les irrégularités qui ont entaché le déroulement des différentes phases de cette consultation électorale qui a consacré Mahmoud Ahmadinejad pour un nouveau mandat. Après les manifestations de rues, des morts et des blessés et l'émergence d'un fort courant de solidarité dans les pays occidentaux et aux Etats-Unis, les contestataires font face désormais à une amère réalité qui ferme la voie à toute forme de «révision» de la présidentielle. Décidés à ne pas céder à la pression de la rue, les autorités iraniennes somment Hossein Moussavi et ses sympathisants à se soumettre aux lois de la République islamique et à respecter «le choix du peuple». Ces derniers sont de fait acculés, de plus en plus, dans leurs derniers retranchements par la lourde machine «répressive» mise en branle par le pouvoir en place, qui a rapidement repris les choses en mains en procédant à l'arrestation et à l'interpellation de plus de 150 journalistes, intellectuels et étudiants, selon les agences de presse. Il a par ailleurs obtenu le retrait de la plainte du candidat Mohsen Reza pour fraude lors de l'élection présidentielle du 12 juin dernier. «Compagnon d'étape» de Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi dans leur quête à exiger l'annulation du scrutin présidentiel, Reza, connu pour son appartenance au camp conservateur, a très rapidement fait la «lecture» de l'état des lieux pour se ranger du côté du «plus fort» en espérant bénéficier d'une substantielle récompense. «Je juge de ma responsabilité de contribuer avec d'autres à la maîtrise de la situation actuelle, qui est plus importante que les élections», a-t-il estimé. Les autorités ont tranché Les autorités politiques ont tranché. Les résultats seront officialisés et la cérémonie d'investiture d'Ahmadinejad devrait se dérouler entre le 26 juillet et le 19 août. Le Conseil des Gardiens de la révolution en charge d'examiner 646 cas introduits par les candidats pour dénoncer les «cas avérés» de fraude a ainsi fait savoir «qu'aucune fraude ou infraction majeure n'a été relevée». De plus, Ali Kadkhodaie, le porte-parole de ce même Conseil a nettement affirmé «qu'en conséquence, il n'y a pas possibilité d'annulation». Ce qui s'apparente à une annonce ferme du pouvoir politique pour signifier aux opposants que les voies de recours étant épuisées, il est impératif de favoriser le retour à la «vie normale». Il a toutefois admis que 50 circonscriptions électorales ont connu quelques petits problèmes, sans effets notables sur les résultats généraux de l'élection présidentielle. Il s'agirait notamment d'un dépassement du nombre total des voix exprimées par rapport à celui des électeurs inscrits sur les registres. Les pasdarans entrent en scène Au plus fort des manifestations, l'ayatollah Ali Khamenei avait, rappelle-t-on, instruit les Gardiens de la révolution de procéder à une vérification du décompte des bulletins de vote, objets de contestations. A l'inverse, les plaignants avaient vainement demandé qu'une équipe indépendante puisse être constituée pour examiner le déroulement du scrutin électoral. Avec l'entrée en scène des Pasdarans et leurs «méthodes musclées» pour étouffer tout acte populaire déstabilisateur, le mouvement de contestation a perdu de sa vigueur et de ses capacités mobilisatrices. Sans doute pour faire dans l'intimidation, les Gardiens de la révolution ont soutenu être prêts, avec le concours des forces de l'ordre «à mener une action décisive et révolutionnaire pour mettre un terme au complot et aux émeutes». Outre la reprise en main de la situation intérieure, les autorités iraniennes ont sèchement dénoncé l'ingérence des pays occidentaux dans les affaires intérieures de leur pays, à l'exemple de la France, de la Suède et de la Grande Bretagne. Téhéran a, entre autres, clairement accusé Londres de manœuvrer pour entretenir les troubles avant de procéder à l'expulsion des diplomates britanniques. Le ministre iranien des Renseignements, Gholamhossein Mohseni Ejei, a indiqué, dans ce contexte, que des personnes détentrices de passeports britanniques ont «joué un rôle» dans les manifestations. A l'inverse, les Etats-Unis, qui n'entretiennent pas des relations particulièrement chaleureuses avec l'Iran, ont fait dans la sobriété, malgré la protestation élevée par Ahmadinejad. Certes, le président américain Barack Obama a exprimé sa préoccupation face à «la répression des manifestants» mais il a tenu à préciser que son pays «respecte la souveraineté iranienne» et qu'en conséquence, il «s'interdit» toute forme d'ingérence. Histoire de garder la main en perspective des nouvelles relations qu'il compte établir avec les dirigeants iraniens. Même si dans l'intervalle les pays membres du G8, à l'exception de la Russie, se proposent de rendre publique une déclaration musclée dénoncant le régime iranien.