Alger, qui redoute de voir s'envoler tous les efforts diplomatiques déployés jusque-là en faveur du règlement de la crise libyenne, met les bouchées doubles et tente plus que jamais de rapprocher les parties en conflit «sommées» de trouver une solution pacifique en privilégiant le dialogue. C'est un peu la mission très délicate que s'est donné Abdelkader Messahel. Très actif, le ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, ne cesse, en effet, d'appeler les belligérants à redoubler d'efforts pour parvenir à un dialogue sincère, honnête et inclusif. Ce qui n'est pas une mince affaire. Les développements récents de la situation en Libye font craindre le pire. Les affrontements sur le terrain sont fréquemment signalés. Le dernier en date a opposé à Sebha des forces pro-GNA à celles du maréchal Haftar. S'ajoute à cela l'amplification dangereuse du trafic en tous genres dont le plus significatif est la traite des humains, révélée par des ONG sur la base de témoignages de migrants retenus par des groupes terroristes. La menace sur l'accord de Skhirat de 2015 est, de ce point de vue-là, très sérieuse. Mais Alger, par crainte de voir les quelques avancées enregistrées depuis cet accord voler en éclats ne reste pas de marbre. Elle réagit à travers un Messahel très engagé sur ce dossier épineux. Sur le plateau de la télévision nationale lundi soir, le ministre a insisté sur la nécessité de trouver une solution politique et pacifique en dehors de toute ingérence étrangère. L'invité de l'émission Questions d'actu de la chaîne Canal Algérie a déclaré que l'Algérie était favorable à toute sorte d'initiative qui accompagnerait les Libyens dans la recherche d'une solution à la crise dans leur pays. A ce propos, et s'agissant d'un éventuel sommet sur la Libye, le ministre a fait état de deux exigences qui s'imposent : «Il faut, en premier lieu, qu'il y ait une préparation et que les principaux concernés – à savoir les Libyens – soient partie prenante dans ce genre d'initiative.» «Un sommet (...) marque l'aboutissement, mais pas le début d'un processus politique», a-t-il souligné, avant d'enchaîner qu'une chose est exclue, à savoir le dialogue avec les terroristes. «Les grands terroristes sont identifiés en Libye ou ailleurs. La référence chez nous, ce sont les groupes listés par l'ONU. En Libye, ils sont au nombre de trois, (Daech, El Qaida, Ansar Charia). Nous sommes pour le dialogue politique, pacifique, mais pas pour le dialogue des armes», a affirmé le ministre. «L'accord de Skhirat peut être revu» Messahel a, par ailleurs, cité deux «indicateurs importants» favorables au processus politique en Libye. Le premier, a-t-il dit, est relatif à une rencontre discrète, entre Libyens, tenue récemment à Rome. Le deuxième indicateur, a-t-il ajouté, est relatif à l'installation de la mission des Nations unies en Libye à Tripoli, qui, jusque-là, avait fonctionné depuis Tunis. Evoquant l'accord politique de Skhirat, le ministre a déclaré que cet accord «reste le socle de la solution à la crise en Libye. C'est un processus chapeauté par les Nations unies, que très peu de Libyens rejettent, et qu'il faut sauvegarder», mais précise-t-il, «il peut être revu, relu ou/et amendé», tel que le permet une des dispositions de l'accord. M. Messahel a également fait remarquer que l'accord politique en question gère une période de transition et celui-ci n'«est pas la solution définitive». Selon lui, cette solution viendra après l'«élaboration d'une nouvelle constitution et la tenue des élections». Ayant effectué, il y a quelques jours, une visite à Washington dans le cadre de la vision algérienne de ramener tous le monde au même agenda, M. Messahel a rappelé le rôle de la communauté internationale dans le cadre de la résolution de 22/59 des Nations unies. «C'est l'exercice auquel l'Algérie ne cesse de s'adonner avec nos partenaires américains, français, italiens, russes et arabes. Aussi, on a un dialogue avec l'Egypte, le Qatar, l'Arabie saoudite, et avec la Turquie, le Royaume-Uni, la Chine, ainsi qu'avec tous les membres du Conseil de sécurité de l'ONU», a assuré le ministre. «J'ai le sentiment que le déclic peut venir. Toutefois, il faut que ce dialogue soit sans interférence étrangère. C'est très important», a déclaré M. Messahel, mettant en garde contre les ingérences qui «créent parfois des problèmes, en raison des agendas et intérêts cachés».