Jamais dans l'histoire des élections en Algérie, le nombre des suffrages à blanc ou nuls n'a été aussi élevé. Dans les comptes-rendus sur les résultats obtenus du vote à travers les wilayas, le dépouillement a fait ressortir que bon nombre d'enveloppes étaient vides ou contenaient des bulletins déchirés ou autres images plutôt «originales». D'ailleurs, le jour du vote, des citoyens qui craignant «les représailles» de l'administration se sont rendus dans les bureaux de vote dans l'intention d'avoir sur leur carte d'électeur la mention : «il (elle) a voté». Un sésame qui leur épargnera, selon eux, d'éventuelles sanctions de l'administration, eux qui sont dans l'attente d'avoir un logement, un crédit, ou une promesse d'embauche. Si la peur de ne pas se faire délivrer un document, faute de ne pas voter, a motivé certains à mettre un bulletin nul dans l'urne, d'autres personnes, notamment les aînés, l'ont fait parce que, pour eux, «ne pas voter, c'est laisser la voie libre aux autres pour frauder». Si les motivations des uns et des autres pour voter nul ou à blanc sont diverses, l'absence de programmes politiques convaincants et le désintéressement de la population envers la chose politique font que le «grand parti politique est l'abstention, ou alors le bulletin blanc ou nul». En réalité, outre l'abstention qui représente un taux de 62,91%, le pourcentage des bulletins nuls est de l'ordre de 2. 109 917. Pour imaginer l'ampleur de ces chiffres, il faut revenir sur l'introduction faite par le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Nourredine Bedoui pour annoncer les résultats des législatives de 2017. Ce dernier, et contrairement à ses prédécesseurs qui donnaient les chiffres des bulletins nuls et blanc, Bedoui n'a pas jugé utile de les communiquer. Un choix qui a fait réagir des partis d'opposition, dont le FFS qui ont estimé que de tels comportements cachent des pratiques d'un autre temps. Même interrogé par un journaliste lors de la conférence de presse où il a rendu public les chiffres du scrutin, Bedoui s'est refusé de communiquer le nombre de bulletins nuls ou à blanc. Il s'est contenté de promettre qu' «ils (les chiffres des bulletins nuls et à blanc) seront disponibles cet après-midi (hier, NDLR)». Concernant les votes nuls, les réseaux sociaux ont affiché des images où un sachet de lait vide a été glissé dans l'enveloppe, ou encore la photo de l'acteur Athmane Ariouet, dans le film : «Carnaval fi Dechra», et des messages aussi drôles et amusants les uns que les autres tels que «Mansotich» ou «Wenger out !», «Samia et le DJ» et aussi des images de baudets. Pour donner une explication au vote blanc ou nul, Pascal Jan, Docteur en droit public et professeur à l'Institut d'études politiques de Bordeaux (France) où il enseigne entre autres le droit constitutionnel, le vote blanc exprime l'opinion d'un électeur qui manifeste son attachement à l'élection (contrairement à l'abstentionniste) et qui considère que l'offre politique ne lui permet pas de faire un choix, de pencher pour un candidat plutôt qu'un autre. Le vote nul manifeste davantage un mécontentement, dans la mesure où, généralement, l'électeur barre ou déchire son bulletin de vote.