Plus de 2 millions de bulletins blancs et nuls ont été glissés dans l'urne lors des élections législatives du 4 mai, selon les résultats officiels communiqués par le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales. Sur les 8 624 199 votants, 2 109 917 bulletins sont soit blancs, soit nuls. Cela représente un quart des votants. Un pourcentage historique qui n'a jamais été enregistré depuis l'existence du multipartisme. Le vote blanc ou nul est devenu un véritable phénomène électoral, voire en ce sens qu'il progresse d'une élection à l'autre, passant de près de 500 000 en 2002, à un million en 2007, plus de 1,6 million en 2012. En dix ans, le vote blanc a tout simplement doublé, au point d'être cette fois-ci le grand marqueur de ces élections, plus que l'abstention qui a déjà enregistré un pic historique de 35% en 2007. Le vote blanc est encore plus intéressant à analyser en ce sens qu'il dépasse de loin le nombre de voix obtenues par les deux partis du pouvoir, à savoir le FLN et le RND, qui conservent leur majorité au sein de l'Assemblée populaire nationale. Pour les observateurs les plus avertis, le bulletin blanc ou nul ne constitue pas un vote neutre, mais plutôt un vote hautement politique. Il suffit de jeter un coup d'œil au contenu glissé dans l'urne par certains de ces électeurs pour le constater. Des slogans criant à l'injustice, à la marginalisation en passant par des mots de dénonciation des dirigeants du pays. Les citoyens qui ont recouru à cet acte électoral voulaient clairement exprimer leur colère, leur désarroi et leur mécontentement face à leurs conditions de vie et à la situation générale du pays. Si voter blanc indique une volonté de participer au débat démocratique, il marque incontestablement un refus des choix proposés. Il y va même au-delà, en exprimant une volonté d'invalider une offre politique jugée inappropriée par un électorat qui semble politisé. Le vote nul enregistré le 4 mai ne peut pas être attribué à une malencontreuse erreur de manipulation. C'est comme le vote blanc d'une erreur volontaire à forte charge politique. Il s'agit d'électeurs qui ont décidé de se rendre à l'urne pour ne pas donner l'impression d'être démissionnaires. Au contraire. Ils veulent par leur acte de vote adresser, de manière civilisée et pacifique, un message fort de désapprobation et d'exaspération de l'état général de l'Algérie, aux dirigeants du pays à tous les niveaux mais aussi au personnel politique en leur disant clairement que ces élections ne constituent nullement une solution à leurs multiples problèmes quotidiens. Car, ils n'ont pas trouvé d'offre appropriée sur la cinquantaine de formations politiques en lice et quelque 160 listes indépendantes ayant pris part à ces élections. Le vote blanc et nul est ainsi comme le plus grand «parti» de ce scrutin, auquel, si l'on rajoute les abstentionnistes, 17 millions d'électeurs ont tourné le dos. Un vote qui doit interpeller au premier chef les responsables du pays, afin qu'ils tirent les enseignements nécessaires. Il doit aussi être médité et analysé par la classe politique dans toute sa composante, au pouvoir comme dans l'opposition, afin de trouver les moyens appropriés pour canaliser toute cette grogne populaire qui ne cesse de monter. Il y va de la crédibilité des futurs processus électoraux et de la pérennité des institutions électives et par ricochet de l'Etat. Car, aujourd'hui, l'APN, qui sera installée prochainement ne dispose d'aucune assise populaire qui lui permettrait d'honorer sa mission.