Le nombre important des bulletins nuls semble avoir fortement embarrassé le gouvernement, au point que le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales n'a pas souhaité communiquer le chiffre lors de sa conférence de presse, tenue au lendemain du scrutin législatif. Le taux sera finalement donné dans l'après-midi sur le site du département de l'Intérieur, après avoir soulevé moult interrogations émanant des formations politiques et des réseaux sociaux. Les 2 109 917 de voix invalidées sur un total de 8 624 199 de bulletins glissés dans les urnes représentent 24,46% des suffrages exprimés. Un pourcentage en hausse par rapport au scrutin de 2012 à l'issue duquel 1 704 047 votes avaient été considérés comme nuls. Soit 18,25%. Ce qui nous donne une Assemblée populaire nationale avec 6 500 000 voix sur plus de 23 millions d'électeurs inscrits. Le FLN a obtenu, à titre d'exemple, 164 sièges avec environ 800 000 voix. Donc 3,47% des électeurs potentiels. Les bulletins nuls ont été recensés surtout dans les grandes villes. À Alger, un électeur sur deux a décidé de ne pas départager les formations politiques et les listes d'indépendants en lice pour ces élections. Les bulletins nuls sont l'expression d'un refus de l'offre politique, d'un choix imposé. Le désaveu est cinglant. Malgré l'énergique campagne nationale contre l'abstention, les Algériens n'ont pas souhaité cautionner le statu quo. Au regard de la faiblesse de la participation avoisinant les 37% et le nombre de bulletins nuls, le front anti-système est le véritable vainqueur de ce scrutin. Encore, aucune indication n'a été fournie jusqu'alors par le département de Noureddine Bedoui, sur la proportion des voix qui n'ont pas été comptabilisées dans la répartition des sièges par circonscription électorale, car accordées à des listes qui n'ont pas atteint le seuil des 5% des suffrages exprimés. Aux législatives de 2012, plus de 5 millions de voix étaient éparpillées entre partis politiques et candidats indépendants qui n'ont pas siégé, pour autant, à l'Assemblée nationale. La constitutionnaliste Fatiha Benhabou fait remarquer que, depuis fort longtemps, existe une abstention passive, "résultant, en grande partie, de catégories en rupture de système, mais présentement, il y a une abstention active prônée par des catégories très conscientisées, dont l'objectif est de ne pas cautionner la politique menée par l'actuel pouvoir". Sont considérés comme bulletins nuls, dans la législation algérienne, toute enveloppe sans bulletin ou un bulletin sans enveloppe, une enveloppe contenant plusieurs bulletins, une enveloppe ou un bulletin comportant des mentions, griffonnés ou déchirés, un bulletin entièrement ou partiellement barré, ou encore tout bulletin ou enveloppe non réglementaire. Le bulletin nul ou blanc est souvent un acte revendicatif, mais aussi une démarche de protection contre d'éventuelles représailles de l'administration locale ou centrale (exiger la carte d'électeur cachetée dans les requêtes de logement, de travail...). D'ailleurs, sur les réseaux sociaux, des photos montrent des bulletins tagués majoritairement Mansoutich. Mais aussi des dessins de Mickey Mouse et autres moqueries en tous genres. Nissa Hammadi