Les Algériens sont suspendus au fameux communiqué du Conseil constitutionnel devant proclamer les résultats des législatives, qu'on a déjà presque oubliées… Quand, donc, la fumée blanche va-t-elle s'échapper du beau siège de cette auguste institution dont on se rappelle l'existence une fois tous les cinq ans ? En France, le président Macron, élu après nos législatives, a déjà effectué sa première visite à l'étranger, nommé son Premier ministre et son gouvernement et tiendra aujourd'hui son premier Conseil des ministres. Il est même annoncé à nos frontières, du côté du Mali… Là-bas, on ne perd pas de temps. On le fructifie, on l'exploite au maximum parce qu'il presse… Chez nous où l'élection est érigée en «fête», on semble faire durer le plaisir de… tuer le temps, en allant au-delà de la recommandation de l'adage populaire d'une «fête de sept jours et sept nuits». Doit-on comprendre nécessairement que : "Koul Atla fiha Khir" (plus ça tarde, mieux ça vaut) ? Rien n'est moins sûr, hélas. Il n'y a objectivement aucune raison qui pourrait justifier presque deux semaines de retard à rendre un verdict aux allures prétendument oraculaires. Pourtant, on ne doit pas s'attendre à ce que les «équilibres» politiques tels que façonnés par le scrutin législatif soient bousculés par le Conseil constitutionnel. Tout au plus si celui-ci opérait une petite chirurgie plastique pour rendre plus esthétique la façade du MSP amochée par un score indigne de ses effets de manche. Ce parti qui semble promis à servir d'alibi islamiste dans la prochaine équipe de Sellal, rechigne à franchir le pas du gouvernement avec son image abîmée par les urnes. Son chef réclame davantage d'atours pour se requinquer la face avant de se vendre à un pouvoir qui lui fait les yeux doux. C'est peut-être ce mariage de raison en négociation qui complique les calculs de Medelci et de ses collaborateurs. Il est vrai que, vues d'en haut, les implications politiques d'une telle liaison, pour le meilleur et pour le pire, justifient tous les retards. Et aussitôt la sainte alliance scellée pour une poignée de sièges supplémentaires, la fumée blanche sortira enfin du Conseil constitutionnel. Mais ce n'est pas gagné, et la fête risque d'être gâchée par cette fumée, noire celle-là, qui monte en colonne dans le ciel algérois. Les travailleurs de la redoutable zone industrielle de Rouiba grondent. Eux n'attendent pas de sièges et n'ont pas de partis politiques. Si quand même… A leur manière, ils pressent le Premier ministre de constituer vite son gouvernement et de l'envoyer au charbon de ce mastodonte où émargent des dizaines de milliers de travailleurs. C'est connu, quand Rouiba bouge, les répliques ne tardent pas à suivre ailleurs. Hier les personnels de la maintenance d'Air Algérie ont paralysé tous les aéroports du pays. C'est une première. Et c'est un avertissement à prendre au sérieux tant ce mouvement social concerne une entreprise stratégique dont la gestion n'obéit à aucune norme managériale. Air Algérie fonctionne comme un mammouth avec ses effectifs pléthoriques résultant de recrutements népotiques qui résument bien le mal algérien. C'est une entreprise quasiment ingérable à cause des interférences politiques et de son mode de fonctionnement archaïque, en rupture avec les exigences de la performance et de la compétitivité. Voilà deux dossiers très lourds qui seront jetés comme des patates chaudes au nouveau gouvernement Sellal. Comme on le voit, ce dernier ne risque pas de bénéficier d'un état de grâce. Il aura fort à faire s'il décide de maintenir le cap de l'immobilisme en pleine zone de turbulences. Le message des travailleurs d'Air Algérie et ceux de Rouiba est clair : Messieurs les nouveaux ministres, accrochez-vous, ça va secouer !