«La question ahmadiyya fait désormais partie du passé». Cette déclaration a été faite le 29 avril dernier par le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, Mohamed Aissa. Au moment donc où les autorités officielles considèrent que la question des ahmadis est close, l'ONG Amnesty International la remet à l'ordre du jour. «L'Algérie doit mettre un terme à sa campagne de répression contre les membres du mouvement religieux minoritaire qu'est l'ahmadisme (ou ahmadiyya)», a déclaré hier cette organisation dans un communiqué. Cet appel d'Amnesty International intervient à la veille de l'audience en appel, le 21 juin, devant la Cour d'appel de Batna, de six ahmadis condamnés à des peines d'emprisonnement d'une durée allant jusqu'à quatre ans pour des charges liées à la pratique de leur culte. Selon l'ONG, au moins 280 femmes et hommes ahmadis ont fait l'objet d'enquêtes ou de poursuites l'année dernière, après une vague d'arrestations qui a suivi, précisera-t-elle, «le rejet par les autorités d'une demande d'enregistrement d'une association ahmadie et de l'inauguration d'une mosquée en 2016». «La répression qui s'est abattue sur les ahmadis l'année dernière est alarmante. Cette vague d'arrestations et de poursuites visant des ahmadis montre clairement que les autorités renforcent les restrictions à la liberté d'expression dans le pays», a déclaré Heba Morayef, directrice des recherches sur l'Afrique du Nord à Amnesty International. Et d'appeler les autorités algériennes à faire le nécessaire «pour que les poursuites visant des ahmadis qui sont uniquement liées à la pratique pacifique de leur religion soient abandonnées, et libérer immédiatement les personnes détenues». Mais les autorités algériennes qui ont réprimé ce mouvement ont affirmé, par la voix du ministre des Affaires religieuses, que l'Etat algérien «n'a pas l'intention de combattre les adeptes de la secte Al Ahmadiya». Le 25 avril dernier, Mohamed Aissa, a déclaré que les personnes appartenant à cette secte n'ont pas été poursuivies pour la pratique d'un culte religieux garanti par la Constitution, mais «pour adhésion à une association non agréée et collecte de dons sans autorisation». Mieux, le pouvoir a considéré que cette secte faisait partie d'un complot visant à déstabiliser le pays. D'ailleurs, dans son plan d'action adopté récemment par le Conseil des ministres, le gouvernement a affirmé qu'il s'emploiera «à protéger notre identité religieuse des tentatives de déstabilisation». Et l'ahmadyya fait certainement partie des tentatives de déstabilisation qui visent le gouvernement. Selon Amnesty International, on estime à 2000 le nombre d'ahmadis vivant actuellement en Algérie. L'ONG rapporte qu'en mars 2016, les autorités algériennes ont rejeté une demande déposée par des ahmadis, en application du droit algérien, en vue d'obtenir l'enregistrement d'une association. Et c'est là que les déboires ont commencé pour les adeptes de ce courant. Plus de 280 ahmadis sont poursuivis. «Plus d'un tiers des personnes concernées par ces poursuites pénales ont déjà été déclarées coupables et condamnées à des peines d'emprisonnement d'une durée allant jusqu'à quatre ans ou à des amendes d'un montant allant jusqu'à 300 000 dinars algériens. La plupart d'entre elles sont en liberté dans l'attente des résultats des procédures à leur encontre, et quatre d'entre elles sont actuellement emprisonnées», affirme la même organisation. Pour elle, la Constitution algérienne ne garantit pas pleinement le droit à la liberté de religion, «la question de la réglementation des pratiques et des lieux de culte étant laissée à la législation nationale, très restrictive». Mais, ajoutera-t-elle, «en vertu de l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'Algérie est cependant tenue de respecter le droit à la liberté de religion. Selon le droit international relatif aux droits humains et les normes connexes, ce droit inclut le droit de manifester cette croyance par un culte collectif, de construire des lieux de culte et de collecter des contributions financières volontaires».