Louable initiative que celle du Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA) soutenu par le ministère de la Culture, que de permettre à l'immense Mouloud Mammeri de «descendre» de sa colline longtemps oubliée, pour aller semer son savoir, sa culture, et son talent dans toute l'Algérie. Il n'est jamais trop tard pour bien faire même si Dda LMouloud aurait voulu qu'il fût accepté et accueilli de son vivant chez lui aux quatre coins de ce beau pays. Qu'à cela ne tienne ! Cette heureuse manifestation qui marque le 100e anniversaire de la naissance de l'enfant de Taourit Mimoun (1917), est à saluer. C'est un hommage à titre posthume à l'un des géants de la littérature algérienne d'expression française et de l'identité amazighe, qui a longtemps subi l'ostracisme. Cette caravane nationale qui «consacre le nationalisme de Mammeri», devant sillonner toute l'Algérie, est une façon de réhabiliter ce grand Homme qui a tout donné à son pays sans jamais bénéficier des glorioles réservées à certains écrits…vains. Depuis février dernier, mois de sa mort accidentelle en 1989, l'auteur, le dramaturge, le poète, et l'anthropologue Mouloud Mammeri est présenté en tenue de soirée. Il est célébré chaque semaine dans les villes d'Algérie. Rencontres littéraires, animations artistiques, exploitations de ses livres, débats sont autant d'activités culturelles offertes aux lecteurs de Mammeri et à tous ceux qui vont découvrir son talent 28 ans après sa mort. Le public de Constantine, Illizi, Annaba, Saida, Mila, Jijel, El Tarf, Ouargla et d'autres villes d'Algérie aura l'occasion de faire connaissance avec cet homme de Lettres. De belles Lettres. Ils auront surtout l'occasion, pour certains, de changer leur avis sur un auteur que la littérature officielle a relégué, des décennies durant, au mieux au rang d'«agitateur", au pire de «manipulateur». Qui ne se souvient de ce fumeux article d'El Moudjahid de mars 1980, - Les donneurs de leçons- brocardant l'auteur du Sommeil du juste, sous la plume de feu Kamel Belkacem ? Ou encore d'un autre qui descendait en flammes la «Colline du reniement», au nom d'une lecture sectaire et désincarnée de son immense roman ! Mouloud Mammeri en a trop pris pour son grade, son engagement et son attachement pour l'Amazighité de l'Algérie. On a lui a fait plein de faux procès. Et les Algériens doivent savoir la vérité, toute la vérité de ce que fut cet écrivain pionnier de la littérature d'expression française contre le colonialisme… français. Les jeunes collégiens et lycéens algériens doivent savoir que Mammeri a mis sa belle plume au service de la Révolution. N'est-ce pas lui qui brocardait le système colonial sous le pseudonyme de Brahim Bouakkaz dans les colonnes du journal L'Espoir d'Algérie… Tiens, tiens ! L'espoir d'Algérie plutôt en Algérie, est plus que jamais d'une brûlante actualité. Offrir officiellement du Mammeri à nos enfants est l'un des meilleurs hommages qu'on puisse lui rendre. Ils vont découvrir que cet écrivain jadis banni, était derrière les lettres au vitriol sur les exactions coloniales signées sobrement «Kaddour» et adressées à l'ONU entre 1956 et 1957. Ils sauront surtout que cet écrivain que certains esprits tordus présentaient comme une «menace» à l'unité nationale, est l'auteur du premier discours de la délégation algérienne à l'ONU. Sans doute que beaucoup seront groggy face à ce malentendu historique qui a fait passer insidieusement un authentique Moudjahid de la plume pour un dangereux empêcheur de tourner en rond. Tant mieux que la roue de l'histoire ait fini par tourner dans le bon sens et permettre aux Algériens de pouvoir séparer la vérité de ses faux semblants. «On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps». Dda LMouloud aimait beaucoup cette formule proverbiale d'Abraham Lincoln. Il a eu raison, «l'Eternel Mammeri», pour paraphraser le beau livre que vient de lui consacrer le perspicace Amin Zaoui.