Alger : l'artiste Cheloufi présente son exposition "Koum tara"    L'Opéra d'Alger vibre au rythme des "Mélodies de l'authenticité et du patrimoine"    La Belgique réaffirme son plein soutien au processus politique de l'ONU    Ligue 1 Mobilis : le MCA veut boucler la phase aller par un nouveau succès    Les Bleus se noient à Zagreb    Ligue 1 : le MC El Bayadh prépare la phase retour à Oran    Un mort et 3 autres blessés dans un accident de la circulation à Oum Droue    Une vielle femme asphyxiée par le monoxyde de carbone    Un homme tue sa femme par strangulation à Béni Zantis    Un régime de copains et de coquins ; une putrescence qui s'étend, altérant la France et aliénant les Français ! (Partie II)    la coopération militaire et sécuritaire avec les grandes puissances, le cas de l'Otan et du dialogue méditerranéen    Le chahid Cheriet Ali-Cherif, un modèle de résistance, de défi et de loyauté envers la patrie    Ballalou met en avant les efforts de l'Etat    Industrie pharmaceutique : Ghrieb ordonne le traitement en urgence des dossiers d'investissement en suspens    Tour national de cyclisme des Ziban 2025: victoire d'Oussama-Abdallah Mimouni    Le Moudjahid Ismaïl Mahfoud inhumé au cimetière d'Aïn Naâdja    Foot: l'Algérien Djamel Haimoudi nommé superviseur général de l'arbitrage en Tunisie    Décès de la journaliste Hizia Tlamsi: la DG de la communication à la Présidence de la République présente ses condoléances    Soudan: le Conseil de sécurité condamne les attaques des FSR à El Fasher    Constantine: 80 exposants attendus à la 5e édition du Salon international Builtec    Garantie des Marchés publics: la CGMP a connu une "avancée très importante" en 2024    Belmehdi préside l'ouverture d'une conférence nationale des cadres du secteur des affaires religieuses    Hidaoui reçoit des représentants de la Grande Mosquée de Paris    Décès de l'ancien président allemand Horst Koehler    AGO de la FAF: adoption à l'unanimité des bilans moral et financier de l'exercice 2024    Oran: décès de la journaliste Hizia Tlamsi    Journée d'étude, le 13 février à Adrar, sur les explosions nucléaires    Cessez-le-feu à Ghaza: nouvel échange de prisonniers entre le Hamas et l'entité sioniste    L'investissement durable dans la préservation de la biodiversité    Saihi se réunit avec les membres du syndicat SNPSSP    Pluies orageuses et chutes de grêles sur plusieurs wilayas à partir de samedi    Quelles perspectives pour l'Accord d'association entre l'Algérie et l'Europe ?    Le rôle des jeunes dans le développement des régions frontalières souligné    L'Etat accorde un grand intérêt aux projets de télécommunications pour désenclaver les régions    Sur les traces des « novembristes »    Signature d'un protocole de coopération en matière de formation policière        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Hommage à Mouloud Mammeri, l'incorruptible intellectuel.
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 23 - 02 - 2014


* Tweet
* * * Tweet
* *
-Tu sais d'où je sors ? M'interpella Dda Lmouloud Mammeri, un jour des années 70, le croisant à la sortie de la Faculté d'Alger. A ma réponse négative, il m'apprit :
- Je sors de chez le Recteur. Il m'a fait part de la proposition du Ministre pour que j'aille les représenter à la rencontre internationale sur la francophonie...
- Et ?…
- Je l'ai remercié en lui montrant mon billet d'avion, pour lui prouver que je suis déjà invité par l'organisme international même...
Voilà donc le côté incorruptible de Mouloud Mammeri.
Lui qui vit publier l'un de ses rares communiqués par le quotidien national El-Moudjahid, organe du pouvoir, dans la rubrique "nécrologie" entre deux avis de décès en 1972. Une injure grave faite à celui qui rédigea un rapport, à l'adresse de l'ONU, en faveur de la décolonisation de l'Algérie, durant la guerre de libération.
Lui qui s'est vu fermer son petit cours, par ailleurs informel, à la limite de la clandestinité, de langue berbère, dans cette même Faculté.
Lui qui s'est vu refuser de donner une conférence sur la poésie kabyle ancienne dans son propre pays, le 10 mars 1980 !
Et ce qui devait arriver, arriva, car :
- Quand on bâillonne trop de rêves, quand on rentre trop de larmes, quand on ajoute bois sur bois sur le bûcher, à la fin, il suffit du bout de bois d'un esclave, pour faire dans le ciel de Dieu et dans les cœurs des hommes, le plus gigantesque incendie. » (In « Le foehn »)
L'histoire donnera raison à Mammeri : l'interdiction de sa conférence, ce sera la cause du soulèvement populaire historique d'avril 1980.
- Il était temps de happer les dernières voix avant que la mort ne les happe. Tant qu'encore s'entendait le verbe qui, depuis plus loin que Syphax et que Sophonisbe, résonnait sur la terre de mes pères, il fallait se hâter de le fixer quelque part où il pût survivre, même de cette vie demi-morte d'un texte couché sur des feuillets morts d'un livre."
Le message mammèrien est clair et ne souffre d'aucune ambiguïté : notre langue et notre culture se doivent de passer de l'oral à l'écrit, c'est-à-dire aux livres, « avant que la mort ne les happe ». Il y a donc péril en la demeure.
Mouloud Mammeri explique, dans une conférence donnée à l'Université de Montréal, le 9 mars 1984, l'origine du mal multimillénaire dont souffre la langue berbère :
-... Le statut le plus évidemment défavorisé, c'est celui du berbère. Celui-là, pendant longtemps, a été tout simplement ignoré. C'est-à-dire que son statut a été l'inexistence. Naturellement, il était toléré dans les faits : il y avait des gens qui parlaient berbère, mais il n'était reconnu à aucun degré... Cette langue est considérée comme une espèce de résidu, comme une espèce de séquelle qui n'a jamais servi en tant que langue écrite, en tant que langue de civilisation et qui, par conséquent, n'a pas de statut légitime ou légal...
Après les Phéniciens sont venus les Romains. Après les Romains, les Vandales. Après les Vandales, les Byzantins. Après les Byzantins, les Arabes. Après les Arabes, les Turcs. Après les Turcs, les Français. C'est-à-dire que, à aucun moment, l'histoire de l'Afrique du nord n'a été entièrement déterminée de l'intérieur même de l'Afrique du nord.
Bien sûr, il faut nuancer, parce que, pour diverses raisons, ces dominations ne sont pas toutes équivalentes. Même si, c'est le même phénomène colonial qui se répercute d'une période à l'autre, il y a quand même des différences entre elles. Mais sur le plan de la culture, puisque c'est lui qui nous occupe en ce moment, quelle a été la conséquence ? C'est que, dès le départ, il y a toujours eu une langue officielle, qui n'était jamais celle du peuple nord-africain, quel qu'il fût. Déjà du temps des Phéniciens, alors que l'Afrique du nord entière était uniquement berbère, et que, par conséquent, il y avait une unité de peuplement de l'Afrique du nord qui a été rompue par la suite, donc à aucun moment où il y avait une unité réelle des peuplements de l'Afrique du nord, la langue officielle même des rois numides, c'est-à-dire des rois berbères (Massinissa, Jugurtha, Makawsen et tous les autres...) était le punique, c'est-à-dire la langue de Carthage. Parce que le punique était une langue répandue dans tout le bassin occidental de la Méditerranée et que, par conséquent, ils avaient intérêt, ou ils étaient contraints, de se servir de cette langue que les autres comprenaient…"
Dans son ouvrage Poèmes kabyles anciens (objet de l'interdiction de conférence citée plus haut), Mouloud Mammeri lance un appel aux Kabyles et à travers eux à tous les Amazighs :
- A toi Mohand, à ceux de ta génération, je dédie ce livre. Il te donnera une image de la Connaissance, une image fondamentale, essentielle qui te rappellera ce qu'ont fait et dit tes ancêtres.
Certains de ceux à qui tu le montreras, te diront :
- ça c'est des histoires anciennes, des contes de fées et autres ogresses tout justes bons à faire dormir les enfants. Où est notre intérêt dans ces contes ? Laisse donc les histoires anciennes aux anciens. Nous, nous sommes des gens d'aujourd'hui, de notre époque, de la modernité, de l'ère des cosmonautes parvenus jusqu'à poser leurs pieds sur la lune ; l'époque où les avions rapprochent un pays d'un autre en un laps de temps ; l'époque, où à travers un simple bout de verre grossissant on peut voir loin, toute une ville... »
Mouloud Mammeri a fait l'objet de plusieurs études, recherches, thèses et autres maîtrises universitaires. Citons-en deux :
- Mouloud Mammeri et le problème kabyle, par Irène Licini, Vénise, 1970, thèse de licence ;
- Le Réveil du nationalisme dans l'œuvre de Mouloud Mammeri, par Jacqueline Rosay, Université d'Aix-en-Provence, 1972, mémoire de maîtrise.
Les œuvres de Mammeri sont en outre citées dans plusieurs travaux universitaires, comme références.
Plusieurs ouvrages lui sont consacrés. La liste est, bien sûr, longue :
- Mouloud Mammeri, écrivain algérien, par Mildred Mortimer, paru au Canada aux éditions Naaman. Dans lequel, on lit en introduction :
- Ethnologue et romancier, Mouloud Mammeri fait partie de la génération d'écrivains algériens de langue française, celle qui apparut dans les années cinquante. Il apporte à la littérature algérienne la perspective d'un homme imprégné de la culture berbère de la Kabylie. Au cours de son évolution artistique, Mammeri n'a cessé de traduire avec de plus en plus de force la réalité, le déroulement quotidien. Il dépeint une société en mutation, bouleversée tout d'abord par des événements venant de l'extérieur, puis par des éléments intérieurs...
Depuis 1965, Mammeri tente divers modes d'expression : traductions, nouvelles, théâtre, cinéma. La traduction en français des Isefra, poème en langue berbère de Si Mohand ou Mhend, ainsi que la publication des Poèmes kabyles anciens, deux recueils qui valorisent la tradition orale de la Kabylie, dévoilent son intérêt pour la littérature orale...
Par son œuvre, Mammeri mérite toute notre attention car il situe l'Algérie dans son contexte socio-historique et montre l'attitude de l'Algérien vis-à-vis de son passé, son présent et son avenir. Mammeri exprime le problème que rencontre tout Africain : Comment affirmer sa propre originalité et préserver ses traditions millénaires, tout en marchant d'un pas sûr vers l'avenir ? »
L'auteur, parlant de la personnalité de Mammeri, le présente ainsi :
- Féru de civilisations anciennes et modernes, Mouloud Mammeri apporte à la littérature algérienne la perspective d'un homme imprégné de la culture berbère.
Dans l'univers de Mammeri, l'homme reste un étranger sur cette terre jusqu'au moment où il renoue ses liens avec elle. De cette communion entre l'homme et la nature, tant valorisée par le monde traditionnel, naît un nouvel accord. L'homme nouveau chez Mammeri est celui qui, en s'engageant dans la lutte aux côtés de ses frères et en renouant ses liens avec la nature, se réconcilie avec lui-même. »
Durant les années 1970, lorsque je lui remettais un exemplaire de la revue Itij, (Le soleil), la première B.D. en langue amazighe, qu'on publiait, mes camarades, un cousin et moi, clandestinement à Alger, il me posait toujours la même question :
- Comment vous arrivez à faire ça ?
Dda Lmouloud nous a enseigné l'écriture de notre langue afin de la préserver de sa disparition programmée.
Son roman éponyme « La Colline Oubliée » sera adapté et réalisé en film, en 1994, après un dur et long combat, par l'autre défunt grand militant de la culture amazighe, Abderrahmane Bouguermouh. « Tawrirt ittwattun » (La Colline oubliée) sera, ainsi, le premier film en langue amazighe.
Dda Lmouloud Mammeri nous a quittés, physiquement, à l'âge de 78 ans, trop tôt, une certaine triste nuit du 25 au 26 février 1989, des suites d'un accident de voiture qui eut lieu près d'Aïn Defla, à son retour d'Oujda (Maroc), d'un colloque sur l'amazighité.
Cependant, il est toujours présent, car son enseignement et son influence intellectuelle, son exemplaire intégrité, sa sincérité, son dévouement et son engagement pour la sauvegarde de la langue et culture berbères nous servent de Code de Déontologie Intellectuelle, que l'on devra qualifier, à juste titre : Le Serment de Mammeri.
De son vivant, il aimait rappeler : « Nous avons défriché le terrain, à présent, c'est aux autres de continuer ».
Indéniablement, le meilleur hommage que l'on puisse rendre à Mouloud Mammeri, l'intellectuel incorruptible qui préféra la culture du peuple à la culture de salons, c'est de continuer son œuvre grandiose inachevée. C'est Le Serment de Mammeri auquel nous devons tous et toutes adhérer.
Œuvres de Mouloud Mammeri :
- Romans parus aux éditions Plon à Paris : La Colline oubliée, (1952), Le Sommeil du juste (1955), L'Opium et le bâton (1965), La Traversée (1982) ;
- Théâtre : Le Banquet (Librairie Académique Perrin, Paris, 1973), Le Foehn, pièce de théâtre, non publiée, jouée en avril 1967 à Alger, à Constantine et à Oran par le Théâtre National Algérien ;
- Nouvelles et récits : Le Zèbre, Preuves n° 76, juin 1957 ; La Meute, Europe n°567/568, juillet-août 1976 ;
- Contes pour enfants parus aux éditions Bordas, à Paris, en 1980 : Machaho ! Contes berbères de Kabylie ; Tellem chaho ! Contes berbères de kabylie ;
- Traductions de poèmes parus aux éditions Maspero : Les Isefra, poèmes de Si Mohand Ou Mhend (1969) ; Poèmes kabyles anciens (1980) ;
- Grammaire berbère paru aux éditions. Maspero, en 1976 : Tajerrumt N Tmazight, grammaire berbère kabyle ;
- Revue Awal.
(Extrait d'Abc Amazigh : une expérience éditoriale en Algérie (1996/2001) volume 2, de Smaïl Medjeber, Edtions L'Harmattan)
Nombre de lectures: 855 Views


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.