Situé à 5 km à la sortie est de la ville de Maghnia et ceint par une jolie forêt d'eucalyptus et de pins d'Alep, le mausolée de Sidi Mohamed Al-Ouassini a, comme chaque année à la même période, abrité ce week-end sa waâda que toute la population de la région frontalière célèbre comme une grande fête. Des milliers de personnes s'y sont rendues pour assister à ce rituel, à la fois religieux et festif, et des centaines de tentes ont été installées pour recevoir les nombreux invités et les convier à un succulent couscous pour lequel toute la région est réputée. Après la prière et la lecture de la Fatiha collective, le bal de la fantasia traditionnelle a été ouvert en présence du wali de Tlemcen, des autorités civiles et militaires et des élus locaux. Plus d'une trentaine de groupes de cavaliers, venus de toute la région ouest, se sont relayés au niveau de la spacieuse clairière de cette vaste forêt et gratifié l'assistance du majestueux art de la cavalerie traditionnelle, de la noblesse de la fantasia et sa maîtrise et du maniement du fusil traditionnel. Tout y était : l'alignement au galop, l'élégance des cavaliers dans leurs tenues traditionnellement raffinées et assorties avec leurs selles, l'harmonie du mouvement et la synchronisation des tirs de baroud. Les vagues successives des groupes de fantasia ont transformé l'air ambiant en un énorme tourbillon de poussière mais les dizaines de troupes folkloriques, aux cadences rythmées par les flûtes et le galal, ont agrémenté cet air irrespirable causé par la chaleur et la poussière. Les férus de ces rythmes et sonorités ne se pas sont privés et l'on assista à un véritable ballet improvisé de danses folkloriques. Il y avait pour tous les goûts. Les adeptes de la danse aâlaoui ont trouvé leur compte avec les troupes folkloriques de Sidi Djillali, Sebdou et Al-Aâricha, et les mordus du rythme regada, spécifique aux régions frontalières, se sont régalés avec la production de la célèbre troupe Al-Aârfa de Msirda. Il faut reconnaître que les organisateurs ont mobilisé tous les moyens matériels et humains pour la réussite de cette waâda, considérée comme un événement pour toute la population frontalière qui s'est mobilisée et s'est préparée pour nourrir tous les invités et les locaux. Le couscous est préparé sur place et la viande provient des dizaines de moutons égorgés pour la circonstance. Le thé et le café sont servis sans réserve. Toute la population cotise aux frais de cette waâda et un comité désigné est chargé de l'organisation de ce rituel en coordination avec les élus locaux. Le tout est supervisé par la tribu des Béni Ouassine, l'une des plus importantes dans la région et descendante du saint Sidi Mohamed Al-Ouassine, très vénéré dans la région pour son soufisme, sa sagesse et sa piété. Il est né en 1771 tout près de Maghnia et s'est fait une réputation dans l'unification de toutes les tribus frontalières pour la lutte aux côtés de l'émir Abdelkader contre l'occupant français. Il est mort en 1846 et fut inhumé dans cette forêt qui abrite chaque année une waâda qui porte son nom. Selon les historiens, les Béni Ouassine étaient des cavaliers aguerris et l'Emir a trouvé auprès d'eux une véritable armée de guerriers. Ce dernier a opposé à l'armée française une farouche résistance dans cette région qui n'est passée sous le contrôle de l'occupant qu'en 1847.