Avec les niveaux des barrages et des forages qui baissent, les responsables du secteur de l'eau n'ont plus d'autres choix que de sacrifier le secteur de l'industrie ou de l'agriculteur pour permettre à la population une alimentation en eau potable. C'est en tout cas s'est produit ces derniers jours à Annaba, lorsque le complexe sidérurgique Sider d'El Hadjar a été contraint de revoir sa production à la baisse étant donné que les quantités d'eau qu'il utilisait dans ses fourneaux ont été réduites. Selon le directeur de l'industrie de la wilaya, Raouf Dormane, l'usine d'El Hadjar connaît une "nette baisse" de production et le haut fourneau risque d'être «mis en veille dans (peu) jours faute d'approvisionnement en eau». «Les deux aciéries à oxygène sont actuellement approvisionnées au ralenti à partir du haut fourneau qui puise de la propre réserve d'eau du complexe, le temps de vider la fonte», a précisé le même responsable, cité par l'APS. Le complexe qui a besoin de 1.500 m3 par heure, a vu son alimentation réduite à 400 m3/heure avant d'être suspendue afin de satisfaire les besoins en eau potable de la population de la wilaya, selon les services de l'Algérienne des eaux (ADE). Des mesures d'urgence ont été décidées pour trouver des sources d'alimentation en eau pour le complexe sidérurgique dont le fonçage de forages dans la région de Chaïba dans la commune de Sidi Amar où se trouve le complexe, outre la possibilité de réaliser une canalisation d'approvisionnement à partir de l'oued Seybous, ont indiqué les services de la wilaya. Aux dernières nouvelles, et afin d'approvisionner la population annabie en eau potable, un programme d'investissement d'urgence a été adopté à court terme à Annaba pour faire face à la pénurie d'eau liée à une baisse du niveau d'eau des deux barrages d'Echaffia et Meksa, principales sources d'approvisionnement en AEP de la population locale, a annoncé le wali Mohamed Salamani. Ce programme porte sur la requalification de 32 forages du champ de Boutheldja (wilaya d'El Tarf) pour la mobilisation, à court terme, de 35.000 m3/jour d'eau potable et le doublement sur 22 km de la canalisation Meksa-Lehnichet pour éliminer le problème des fuites qui dilapident 60% du volume d'eau destinée à l'alimentation de la population, a précisé le chef de l'exécutif local dans une déclaration de presse. Le programme porte également sur la réhabilitation des deux stations de pompage de Meksa et Chaïba, le fonçage de nouveaux forages à travers la wilaya, la résolution d'urgence du problème des fuites et la mobilisation de citernes pour renforcer l'alimentation en AEP des habitants des zones (points noirs), a ajouté Salamani, affirmant que la première priorité dans la wilaya est désormais l'approvisionnement de la population en cette ressource vitale. «Cette phase critique exige, pour être surmontée, la conjugaison des efforts de tous et un haut sens de responsabilité de la part des responsables, des élus, de la société civile et des citoyens», a-t-il soutenu. Ce programme d'urgence, de court terme, est déjà activé et le système d'approvisionnement adopté en cette période prévoit, en fonction des quantités d'eaux mobilisées, une alimentation à raison d'une journée sur quatre dans tous les réseaux de distribution, a indiqué le wali. Les besoins d'alimentation en eau potable de la population de la wilaya d'Annaba sont estimés à 160.000 m3/jour et 60 % de ces besoins ne sont plus satisfaits après la baisse critique du niveau d'eau du barrage Echafia (160 millions m3) l'ayant rendu inexploitable, selon les données de l'Algérienne des Eaux. Ce barrage avec celui de Meksa (60 millions m3) fournissent l'essentiel d'eau potable de la wilaya, est-il indiqué. Pour ce qui est du complexe Sider El Hadjar qui emploie plus de 4.500 travailleurs et ceux dont les ateliers risquent d'être fermés (haut fourneau et les deux aciéries) seront redéployés dans d'autres unités du complexe, a-t-on détaillé, en attendant l'arrivée des premières averses qui rempliront à nouveau les barrages et les sources phréatiques. Le Repère: Jusqu'à quand ? La crise de l'eau potable qui sévit depuis quelques jours au niveau de la wilaya d'Annaba prend des proportions d'un véritable scandale exigeant désormais l'intervention des plus hautes autorités du pays. Le complexe d'El Hadjar, poumon économique de la région et de toute l'industrie nationale, est touché par cette crise d'eau. Ceci n'est en réalité qu'une illustration parfaite de l'absence d'une politique de gestion d'une ressource aussi vitale et stratégique. Au-delà de la justification simpliste de faible taux de pluviométrie, phénomène qui ne concerne pas uniquement cette région, il y a vraiment péril en la demeure. L'heure est venue pour dénoncer et prendre des décisions radicales. La gravité de cette situation l'exige. Toutes les communes de la wilaya d'Annaba vivent une crise aiguë en matière d'eau potable, sans que les autorités parviennent à trouver des solutions. Cette crise qui a gagné le tissu économique et commercial de la wilaya, provoquant la paralysie totale des unités de production du plus grand complexe sidérurgique de la région El Hadjar ne doit pas passée inaperçue. Les conséquences seront encore plus graves pour les établissements hôteliers, les hôpitaux, les écoles et autres services de l'Etat si les mesures tardent à être prises. A tous points de vue, c'est inadmissible et injustifié pour qu'un tel département territorial, qui est de loin, le mieux loti en termes de potentialités naturelles à exploiter, soit réduit à cette réalité. Les populations contraintes à se soumettre au diktat des vendeurs d'eau, en achetant au prix fort cette ressource, étaient unanimes à pointer du doigt la gestion opaque et archaïque de ce secteur. Les équipements et les installations réalisées ces dernières années n'ont pas été bien entretenus. On dénonce aussi l'incompétence des gestionnaires et des nominations à des postes déterminants par piston et connivence. Malgré toutes les mobilisations financières assumées par l'Etat et les contrats de gestion déléguée signés avec des partenaires européens, il se trouve que des populations d'une wilaya entière n'accèdent pas aujourd'hui à l'eau. C'est le comble d'une crise qui interpelle et qui renseigne sur l'amère vie quotidienne du citoyen lambda. Et les déclarations faites à ce sujet par le wali Mohamed Salamani exacerbe plus qu'elle n'apporte de l'assurance. Il évoque un «programme d'investissement d'urgence pour faire face à la pénurie d'eau potable». Il s'agit, selon ses explications, de «la requalification de 32 forages du champ de Boutheldja (wilaya d'El Tarf)» et «le doublement de la canalisation Meksa-Lehnichet pour éliminer le problème des fuites qui dilapident 60% du volume d'eau», ainsi que «la réhabilitation des stations de pompage, le fonçage de nouveaux forages, la résolution du problème des fuites et la mobilisation de citernes». Ces mesures devaient être, en réalité, prises avant l'éclatement de cette crise. Mais, il n'existe pas encore de politique d'anticipation et de veille. Il faudrait toujours qu'une catastrophe ou un drame survienne pour que nos responsables puissent réagir après. Jusqu'à quand devrait-on agir de la sorte ?