Les arguments avancés par le Premier ministre Ahmed Ouyahia, devant l'APN, pour justifier le recours des pouvoirs publics au financement non conventionnel pour juguler les effets de la crise financière n'ont pas convaincu certains experts qui affichent clairement leur scepticisme. C'est le cas de Farès Mesdour, professeur à l'université et spécialiste en économie. Contacté par nos soins, notre interlocuteur estime qu'en dépit des assurances d'Ouyahia lors de sa plaidoirie en faveur du recours au financement non conventionnel et la présentation des objectifs visés à travers la mise en branle de la planche à billets, ce dernier «n'a pas apporté des arguments solides pour nous persuader de la nécessité du recours à cette option». «Il ne faut pas se leurrer», dira d'emblée Mesdour. «Il est vrai que les grandes puissances mondiales l'ont fait, à l'image des Etats-Unis, qui empruntent auprès de la Réserve Fédérale, du Japon et de la Banque centrale européenne, mais ce n'est pas la même chose pour nous», estime-t-il. «L'Algérie ne dispose pas d'une économie productive comme ces pays développés et la masse monétaire qui sera produite ; le recours de la planche à billets, ne serra pas compatible avec notre économie, ce qui va occasionner l'éclatement de l'inflation», soutient-il. Selon lui, l'inflation atteindra un seuil «intolérable», pouvant dépasser toutes les prévisions, «sans parler de la dévaluation du dinar, déjà éprouvé par les sévices d'une politiques unilatérale. Le recours à la planche à billets sera une catastrophe pour notre économie» met-il en garde. «Les solutions existent. C'est juste la volonté de décision qui manque», a-t-il ajouté. Il cite, à ce propos, d'autres options pouvant permettre de sécuriser l'économie nationale. L'Open Market, (l'ouverture du marché), les obligations «sukouk» conformément à la charia, l'amnistie fiscale conditionnée et la diminution des taux de réserves obligatoires et forfaitaires au niveau des banques sont les actions préconisées par le professeur. Il est nécessaire de baisser encore le taux de réserves obligatoires au niveau des banques à un 1% au lieu de 7% de manière à ce que le taux de la masse monétaire recouvert auprès des banques soit injecté au niveau du marché, détaille-t-il, avant d'ajouter : «Ceci permettra également de recouvrer l'argent de l'informel». Selon lui, pas moins de 14 milliards de dollars circulent au niveau du Square Port Saïd d'Alger. La masse monétaire qui circule hors des banques est vraiment importante. Il y a lieu de trouver un moyen pour la récupérer, préconise-t-il. Revoir les priorités La révision du système de fiscalité est également une mesure indispensable, appuie-t-il. Mesdour propose à ce sujet de recourir à l'amnistie fiscale, qui consiste, selon lui, à exonérer, à titre d'exemple, de moitié les dettes pour ceux qui paieront leurs retards dans un an et de 70 % ceux qui paieront la moitié de leurs dettes aux impôts dans les six mois…. Il est temps que les pouvoirs publics songent à changer leurs priorités et penser sérieusement à la diversification de notre économie hors hydrocarbures, relève-t-il, tout en invitant le gouvernement à aller vers une économie agricole, au lieu de l'industrie. «Nous avons un potentiel énorme en la matière. L'Algérie dispose de 32 millions d'hectares de terres fertiles. Nous avons l'une des meilleures terres au monde. Et nous disposons d'un grand réservoir d'eau au niveau du Sud du pays pouvant tenir 4 siècles», a souligné par ailleurs l'économiste. Et d'ajouter : «nous devons faire appel aux investisseurs étrangers dans le cadre du partenariat. Pour cela, il faut diminuer la fiscalité dans l'investissement à 7% au lieu de 26%». L'ouverture des zones franches au niveau de nos frontières va permettre de nous ouvrir sur le marché africain, tient-il également à proposer. Par contre, Mohamed Bahloul, expert en économie et gestion des ressources humaines, estime que la décision du gouvernement de recourir au financement non conventionnel est «malheureusement la seule option dont nous disposons, vu les conditions de crise financière que traverse notre économie. L'épargne publique a été consommée en trois ans. Et pour faire face à cette crise, nous n'avons pas beaucoup de marges de manœuvre. Il faut des solutions rapides. Nous n'avons pas le choix, puisque nous disposons d'une économie basée sur le financement et sur le budget», explique-t-il.