Outre les experts indépendants qui préconisent d'aller vers une nouvelle orientation, basée sur un ciblage étudié des couches défavorisées, des voies «officielles» s'élèvent pour mettre un terme à des subventions tous azimuts La politique sociale de l'Etat sera maintenue. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a révélé, lors de sa présentation du plan d'action du gouvernement, devant les parlementaires, qu'en dépit de la crise sans précédent qui frappe le pays, les transferts sociaux ne verront aucun changement dans la prochaine Loi de finances. En 2017, les transferts sociaux représentaient près d'un quart du budget de l'Etat : plus de 1600 milliards de DA. Quelque 400 mds de DA ont été alloués au soutien aux familles «nécessiteuses» à travers la subvention des produits de large consommation (lait, céréales, sucre et huiles alimentaires), 330,2 milliards de dinars de soutien à la santé et 300 milliards de dinars pour les différents programmes de logement. Autant dire qu'il s'agit d'une enveloppe colossale. En temps de crise -nous y sommes en plein dedans-, cela représente un coût faramineux. Mais l'Etat hésite à prendre le taureau par les cornes et revoir une politique sociale qui profite à toutes les catégories de la population, les plus riches en premier. Les appels à la correction de cette politique ne manquent pourtant pas. Outre les experts indépendants qui préconisent d'aller vers une nouvelle orientation, basée sur un ciblage étudié des couches défavorisées, des voies «officielles» s'élèvent pour mettre un terme à des subventions tous azimut et qui profitent largement aux revenus importants. Pour quelle raison l'Etat hésite-t-il alors ? Il y a tout un pan de l'économie qui vit des subventions de l'Etat. De grosses entreprises privées en sont les premières bénéficiaires. Revoir la politique des transferts sociaux n'arrangerait en rien ces entreprises sur lesquelles s'appuie, à son tour, l'Etat. Subventionner directement les ménages, avec un deuxième salaire par exemple, reviendrait à exclure de fait les premiers bénéficiaires cités ci-dessus. «On est dans un système de clientélisation par excellence», explique Farid Bourenani, expert en finances. Pourtant, ajoute, notre interlocuteur, une véritable politique de subvention, basée sur un ciblage étudié, fera d'une part gagner à l'Etat beaucoup d'argent, et d'autre part, profitera à des couches de population beaucoup plus larges que ce qui se fait actuellement. «Les transferts sociaux deviendraient efficaces. En recourant à un ciblage bien étudié, il est fort probable qu'avec simplement la moitié des subventions actuelles on toucherait plus de personnes que maintenant», soutient-il. Pour l'économiste Ferhat Ait Ali, une autre option est possible. Au lieu de continuer à soutenir à tout va, il est plus judicieux, dit-il, de revoir d'abord, et avant tout, les grilles des salaires. «Le seul moyen efficace de donner aux fameux nécessiteux leur droit, et non pas une aumône, c'est un rétablissement des équilibres dans la grille des salaires». Mais, affirme-t-il, «L'Etat et ses représentants n'est pas à la recherche de solutions judicieuses à des problèmes pourtant très sérieux. Nous sommes en face d'un Premier ministre qui veut tout changer sans que rien ne change dans la pyramide de répartition de revenus qui est, elle-même, fausse». Selon M. Ait Ali, il y a «tromperie» dans ce système, tel qu'il est. «Les subventions ne touchent, en réalité, que deux produits qui sont la farine et le lait. Et ça se chiffre à deux milliards de dollars. Pour le sucre et l'huile, il faut préciser que la subvention est insignifiante, puisqu'elle ne représente que 9 Milliards de dinars sur 6 ans, intégralement ponctionnés par deux operateurs dont deux étrangers, mais sans qu'aucun dinar n'ait atterri chez le plus gros producteur du pays, qui n'a d'ailleurs, lui-même, rien demandé». Outre son inefficacité, M. Ait Ali, affirme que tel qu'il est conçu maintenant, le système de subvention attire la convoitise de différents «prédateurs et fumistes de tout bord qui amassent des fortunes colossales». Pour lui, «Le montant réel des subventions ne dépasse pas les 5 milliards de dollars. Tout le reste est reparti, en fait, entre les subventions versées aux Moudjahidine, aux retraités et à quelques faussaires qui sont passés maitres dans la combine».