Le tableau dressé mardi par le nouveau PDG de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, concernant la gestion du groupe, la politique de filialisation et le manque de vision stratégique à long terme suscitent plusieurs interrogations. Qui est responsable ? Quel sera l'avenir de la compagnie nationale des hydrocarbures ? Y a-t-il en vue un plan de la restructuration du groupe pétrolier ? C'est la première fois qu'un haut responsable de Sonatrach ose dresser un tel état sur le fonctionnement interne de l'entreprise. Souvent, on présente la compagnie publique comme la meilleure au niveau national et à l'échelle africaine. Mais le nouveau patron a plutôt usé d'un langage franc et sans équivoque pour mettre en cause toute la politique de gestion du groupe mise en place depuis des années. Les nombreux scandales qu'a connus Sonatrach depuis 2010 ne sont pas les seules causes de ce marasme. Il y a bien d'autres raisons qui expliquent cet état des lieux. Il faut reconnaître que la Sonatrach subit directement toutes les conséquences des décisions des pouvoirs publics, notamment les injonctions d'en haut fragilisant les staffs directionnels. Les dysfonctionnements et les défaillances révélés par le nouveau responsable sont édifiants sur les incohérences existantes et le manque d'autonomie au sein de ce groupe. Les responsables refusent de prendre des décisions, pourtant inévitables, selon lui. Ce qui le pousse à dire que Sonatrach est réduite à une entreprise bureaucratique au lieu d'être une entreprise économique obéissant aux lois du marché. Comment une telle compagnie se retrouve-t-elle dans cette situation ? En premier lieu, il faut souligner l'instabilité à la tête du Groupe. Ceci l'a énormément affaibli. Depuis les scandales en cascade qui l'ont secoué depuis 2010, pas moins de cinq PDG ont été limogés. Après l'emprisonnement de Mohamed Meziane en 2011, l'Etat a fait appel à Noureddine Cherouati. Ce dernier a présidé pendant une année seulement la Sonatrach, avant d'être remplacé par Abdelhamid Zerguine qui est resté de novembre 2011 à juillet 2014. S'ensuit Saïd Sahnoun, nommé PDG par intérim de juillet 2014 à mai 2015, puis Amine Mazouzi qui prend le poste jusqu'à mars 2017. Et depuis, c'est Abdelmoumen Ould Kaddour qui gère cette entreprise. Ce dernier hérite d'une situation explosive, surtout dans le contexte actuel de baisse des prix des hydrocarbures. Son discours laisse comprendre qu'un projet de restructuration est en gestation pour la compagnie nationale, un plan qui devra, selon lui, répondre aux exigences des défis auxquels fait face actuellement le Groupe. Le PDG semble vouloir apporter de profonds bouleversements en matière de gestion. Il est question de revoir la politique de ressources humaines, car un nombre excessif d'employés est enregistré. La réorganisation et la restructuration de la Sonatrach visent aussi à réduire le nombre de filiales (150). Le PDG Ould Kaddour a déclaré à ce propos qu'il est nécessaire de revoir la politique de filialisation, en faisant savoir qu'un changement allait être opéré pour définir les objectifs à assigner à cette compagnie, sans évoquer pour autant un mouvement de compression. Plusieurs observateurs ont estimé utile de compresser certaines de ses filiales, qui sont actuellement au nombre de 154, employant pas moins de 120.000 collaborateurs, dont 50.000 bénéficiant d'emploi direct. Des filiales inutiles Comparé à d'autres compagnies pétrolières, comme le groupe français Total qui emploie plus de 98 000 collaborateurs dans ses 903 filiales, implantées dans 130 pays, ou l'américain ExxonMobil, qui emploie 72 700 personnes, Sonatrach enregistre un excès dans sa ressource humaine à la lumière de ses résultats en matière de chiffres d'affaires. En effet, ExxonMobil, a réalisé en 2016 un chiffre d'affaires de 257 milliards de dollars, pour un bénéfice de 16,2 milliards, alors que la Sonatrach a, durant l'exercice 2016, réalisé un bénéfice net de près de 2 milliards de dollars. Selon les comptes sociaux clos au 31 décembre 2016, les résultats ont fait ressortir un chiffre d'affaires annuel de Sonatrach de 3398 milliards de dinars, plus de 30 milliards de dollars. Ces chiffres démontrent que la compagnie publique a plutôt fonctionné comme une «administration» comme l'a qualifiée son patron.