A chaque fois qu'un débat s'impose sur des questions vitales en Algérie, l'on voit rarement les experts et les spécialistes s'y inviter. S'il est vrai qu'aucune de ces questions n'est réellement posée dans un cadre idoine et concerté, il y a lieu de noter que c'est toujours par des voies et moyens détournés qu'elles sont discutées. Et c'est, incontestablement, la mouvance islamiste tolérée en haut lieu, qui arrive à imprimer aux problèmes qui la dépassent souvent, un cachet religieux. Et c'est de cette façon – qui n'est pas dénuée d'arrière-pensées d'ailleurs – que ces questions trouvent leurs réponses «légères» dans un assentiment généralisé, restent en suspens ou sont renvoyées aux calendes grecques. L'introduction dans le nouveau projet de loi sur la santé de la possibilité d'opter dans des «cas précis» à l'interruption volontaire de la grossesse a déjà fait réagir une panoplie de «foqaha», d'experts en matière de foi, pour clouer au pilori, les concepteurs du projet, coupables aux yeux de Abdallah Ghlamallah, ancien ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, actuel président du Haut conseil islamique (HCI), de n'avoir pas «consulté» l'Instance qu'il dirige, sur les articles incriminés. Il promet même de revenir à la charge dès qu'il prendra officiellement connaissance du texte de loi et «après consultation des uléma», même s'il affirme que son rôle n'est pas de s'opposer à la loi. Il y a quelques temps, une autre question vitale – au propre et au figuré –, la peine de mort, n'avait pas interpellé grand monde parmi l' «élite». Ce sont, encore une fois, les islamistes qui ont profité d'une période assez particulière où, en l'espace de quelques mois, plusieurs enfants ont été kidnappés en Algérie, pour monter au créneau et demander l'application de la peine de mort à l'encontre des auteurs des rapts alors que les exécutions dans le pays sont suspendues par un moratoire depuis 1993. Ceci au moment où, une ONG internationale (Amnesty International), interpelle chaque année le gouvernement algérien pour l'abolition pur et simple de cette peine. Le débat sur cette question n'a jamais eu lieu. Lorsque la ministre de l'éducation nationale, Mme Nouria Benghebrit, a entrepris de réformer profondément le système éducatif national qui est à un niveau tel, qu'il «forme» des analphabète et à défaut des «parcœuristes», en proposant de revoir de fond en comble certaines manières d'enseigner, ou de donner plus d'importance à certaines matières, les islamo-conservateurs embusqués, y compris à l'intérieur de quelques syndicats dits autonomes, n'ont pas hésité à tomber à bras raccourcis sur la ministre que n'a même pas osé à l'époque défendre M. Sellal, alors Premier ministre. Qualifiée de «sioniste», puis accusée de vouloir carrément supprimer «l'éducation islamiste», puis «interdite» d'introduire le parler algérien dans l'enseignement primaire, la ministre continue de mener le combat quasiment seule. Les questions vitales nécessitent débat. Et le débat dans ce cas de figure doit, non seulement, s'imposer, mais doit être «imposé» par l'engagement de tous et la réoccupation intelligente du terrain jusque-là laissé aux seuls conservateurs.