Les détails des pièces à fournir pour les documents biométriques, annoncés par le ministre de l'Intérieur, ont vite provoqué la réaction du camp islamiste et conservateur. Le hidjab et la barbe perçus comme la cible de Yazid Zerhouni ont vite regroupé la foule qui s'indigna qu'on porte atteinte à sa liberté. L'argumentaire des personnalités invitées à s'exprimer sur la question sous l'angle du “yadjouz ou non” relève du lexique républicain sur les libertés individuelles et la vie privée. On convoquera à l'occasion des sondages maison pour prouver la désapprobation de la majorité de ces décisions “contraignantes”, et l'association des ulémas, le haut-conseil islamique pour apporter les raisons religieuses de ces positions de rejet. Si le propos de Abderrahmane Chibane est tranché, considérant que la femme n'a pas à montrer ses cheveux et qu'enlever le khimar est religieusement illégitime – donc pas question, selon lui, d'accepter l'obligation de l'Intérieur pour les photos biométriques pour les femmes tout comme la barbe pour les hommes –, la réaction du HCI est plus nuancée. Hadj Bouamrane avoue ne pas avoir été consulté sur cette question, mais estime qu'on ne peut pas obliger la femme à enlever son “voile” pour les photos exigées. Les politiques prennent le relais en focalisant sur ces deux détails, niqab et barbe, donnant ainsi l'impression que la décision d'instaurer les documents biométriques est faite contre eux. Après une semaine de matraquage et de réactions ouvertement hostiles, les islamistes ont réussi à provoquer une fausse polémique qui éloigne l'opinion du vrai débat que devrait susciter la batterie de dispositions et de renseignements relevant strictement de la vie privée exigés dans le formulaire à remplir. Paradoxalement, la réplique du ministre des affaires religieuses, M. Ghlamallah Bouabdellah, ne les a pas pour autant émus, surtout lorsqu'il évoque l'obligation de se soumettre à la loi. Le ministre, quoique chargé du portefeuille de la Religion, se place du côté de la loi, à proximité de la république puisqu'il n'ira pas jusqu'à relever les aspects négatifs du texte. Il s'agit des informations personnelles, des renseignements sur quasiment toute la vie privée du demandeur de la pièce d'identité, du passeport ou du permis de conduire. Les islamistes et les tenants de la priorité de l'aspect physique et vestimentaire aux réactions épidermiques tendent à noyer le vrai débat dans une polémique secondaire, offrant du coup au département de M. Zerhouni l'occasion de détourner les regards des questions centrales liées à tout le dispositif qu'il a élaboré. Comme s'il n'est exigé que les photos pour les islamistes et que le reste ne concerne que les femmes non voilées et les non-barbus. Fournir en plus des pièces habituelles son cursus scolaire, son groupe sanguin, les noms de ses camarades de classe, de ses collègues de travail, ses derniers lieux de résidence, un “témoin”, son téléphone et son adresse e-mail… en fait, fournir sa fiche complète pour se voir délivrer une carte d'identité, ne relève pas de l'atteinte à la liberté et à la vie privée, dans l'optique des islamistes. Comme cela participe de l'ordre naturel de l'administration. C'est pourtant autour de ces questions que devrait résider le débat ou se situer une véritable polémique.