Rencontré à la veille de la cérémonie de vernissage de l'exposition collective «Reflets d'Afrique» au Musée d'art moderne «Mama», le photographe algérien El Hadi Hamdikène a bien voulu aborder pour nos lecteurs non seulement sa participation au Panaf mais de faire également un «focus» sur sa carrière. En somme, un «zoom avant» sur un photographe africain. Le Temps d'Algérie : Parlez-nous un peu de la photographie africaine… El Hadi Hamdikène : Vous savez, comme tous les arts, la photographie africaine découle de la première culture au monde. Elle ne peut qu'être des plus créatives. D'ailleurs, la présence parmi nous au Panaf' de notre grand-mère «Lucy» au Musée du Bardo est riche, à ce titre, en symboles… Citez-nous au moins un photographe africain qui force vraiment votre respect… Je citerais sans hésitation aucune «l'œil de Bamako», le grand photographe malien Malick Sidibé, notre doyen, un portraitiste de talent ! C'est l'un des rares photographes africains à avoir reçu vraiment une consécration internationale… A quand remonte, pour votre part, la première rencontre avec la photo ? Excusez-moi mais je ne peux pas répondre à cette question sans évoquer mes premières amours pour le cinéma, la littérature et la musique jazz. A l'âge de huit ans, j'ai vu The Kid de Chaplin puis un peu plus tard La Jetée de Chris Marker. Deux films qui m'ont marqué. Cet attrait précoce pour le cinéma ne s'est jamais démenti. Depuis, j'ai dévoré durant des années des milliers de kilomètres de pellicules à la Cinémathèque algérienne où j'ai découvert avec bonheur des auteurs comme Stayajit Ray ou encore Wim Wenders. Des films à voir à n'en plus pouvoir. Je bouquinais aussi sur le cinéma en lisant particulièrement Georges Sadoul et Mitry. Pour la littérature, j'ai pris goût pour la lecture très tôt en lisant d'abord les bandes dessinées avant de m'attaquer à Prévert, Hemingway et Kateb Yacine. Le jazz a joué aussi un grand rôle dans ma formation. J'écoutais très jeune Miles Davis, Paul Desmond et tous les standards du jazz. Pour faire court, la photo s'est greffée naturellement à cet amour que j'ai jusqu'à aujourd'hui pour le cinéma, la littérature et la musique jazz. Le meilleur de ma culture vient de là ! Oui, mais pour en revenir à la photo, notre sujet principal… Oui, c'est vrai ! J'ai acquis, donc, à la fin des années 1970 un appareil Rollefleix grâce auquel j'ai commencé à prendre mes premiers clichés au format carré que je développais chez moi le soir avec un agrandisseur de marque tchèque. Un matériel certes rudimentaire par rapport à ce qui se vend aujourd'hui. Et même ici en Algérie ! Dites-nous, quels sont les travaux desquels vous vous sentez particulièrement fier ? Incontestablement, je dois dire que ce sont les photos que j'ai prises en collaboration avec une photographe française, Sophie Dehorter, une vraie artiste du reste. Le thème retenu était «Le monde du rail». Nous avons eu, ainsi, à arpenter ensemble, par train, pendant un mois, la ligne minière qui va de Annaba à Djebel Onk dans la wilaya de Tébessa, pas loin de la frontière algéro-tunisienne. Nous avons photographié les infrastructures ferroviaires qui datent de la période coloniale. Il faut savoir que c'est sur cette ligne qu'il a été déposé le premier rail en Algérie à la fin du 19e siècle. Ce travail m'a beaucoup enrichi. J'évoluais parmi les cheminots avec un appareil Leica dans un monde d'acier, de wagons, de minerai. Un monde déteint par le poids des ans et la lumière du soleil africain. Ceux qui ont pu apprécier ce travail l'ont comparé aux images de La Bête humaine, le film de Jean Renoir. Une exposition et un ouvrage ont été réalisés à l'issue de ce travail qui a été vraiment très long et en pleine période de terrorisme, dans les années 1993 et 1994. L'écrivain feu Rachid Mimouni faisait partie de l'équipe. Il devait préfacer le livre. Dieu en a voulu autrement. Mon seul regret est que ce travail, rendu possible grâce à l'école française de photographie, n'a été montré au public algérien qu'une fois en 1997 au Musée national des beaux-arts d'Alger. Dites-nous franchement : est-il possible de vivre de son art en Algérie ? Peut-on être vraiment photographe d'art et vivre de son métier ? Et puis être photographe d'art est-il réellement un vrai métier ? Trêve de jérémiades, s'il vous plaît ! Malgré les difficultés à vivre de son art et même de l'exercer pleinement, j'avoue que la photographie m'a procuré, jusqu'à présent, beaucoup de satisfactions et même de la joie. Chaque fois que je sors dans la rue je suis ivre de cette lumière qui coule de partout. Cela dit, je reconnais que pour moi la photo est surtout une passion. Et si c'était vraiment un métier, il y a longtemps que je l'abandonnerais. Parlez-nous enfin de votre participation au Panaf … J'ai été sélectionné parmi trente artistes africains dont cinq seulement sont algériens. Je vais exposer seize clichés… Qu'attendez-vous de cette participation ? De vraies rencontres avec la culture africaine et des artistes africains. Une communion très attendue. Je rêve aussi de visiter des villes africaines comme DakarJohannesburg, Lagos, Le Caire. J'aimerais pouvoir, en effet, capter dans ces différents lieux cette lumière africaine, si particulière et si généreuse. Une lumière qui nous aide à vivre. Ce qui n'est par rien ! Entretien réalisé par Mohamed Cherif Lachichi