L'Ordre des pharmaciens «ne bloque pas l'ouverture de nouvelles officines». Cette institution est seulement soucieuse de faire respecter la réglementation en vigueur concernant l'installation des officines. C'est ce que nous a expliqué le président du conseil de l'Ordre des pharmaciens, Lotfi Benbahmed, qui dit «ne pas comprendre le comportement des directions de la santé publique (DSP) qui délivrent les autorisations» sans inscription à l'ordre des pharmaciens, comme le prévoit la réglementation. Cette dernière prévoit, pourtant, une action en justice contre les pharmaciens qui ne procèdent pas à leur inscription à l'Ordre des pharmaciens. Cependant, ce qui est inquiétant, de l'avis de Lotfi Benbahmed, c'est «la complicité de l'administration, représentée par les DSP, qui n'est pas normale». Pour s'installer, les nouveaux pharmaciens doivent avoir l'autorisation de la DSP, assortie d'une inscription à l'ordre. Or, certains pharmaciens ont été autorisés à exercer au moment où l'ordre leur a refusé l'inscription du fait qu'ils ne sont pas conformes à la loi, a-t-il expliqué, tenant à préciser que l'ordre ne s'ingère pas dans les missions de l'administration. Mais le plus étonnant, c'est la circulaire élaborée par le ministère de la santé permettant aux DSP de geler la loi sous prétexte que l'ordre bloque l'ouverture de certaines officines. Ce que conteste M. Benbahmed, selon lequel «l'ordre ne bloque l'installation de nouvelles officines que lorsque la réglementation est bafouée», chose que pourra facilement vérifier l'administration. De son avis, «le ministre de la santé n'a pas eu connaissance de tous les éléments et a été mal informé». Les DSP reprochent aux nouveaux pharmaciens d'outrepasser l'inscription à l'ordre. Et pourtant, c'est la justice qui est appelée à trancher lorsque le pharmacien se voit refuser une inscription à l'ordre, et ce n'est pas à l'administration de se substituer à la justice. Mais l'ordre ne compte pas baisser les bras et effectue un travail colossal qui lui a permis de recenser les pharmaciens qui ne sont pas inscrits pour être poursuivis en justice. «Nous avons toutes les justifications pour tous les dossiers», a-t-il indiqué, sans préciser le nombre de pharmaciens concernés. «Nous sommes une institution qui a entre autres objectifs de préserver la santé publique, insistera le responsable. En vue d'éclaircir la situation, nous avons envoyé toutes les explications au ministre». Le président de l'ordre pointe du doigt «les gens qui ont des intérêts à se focaliser sur la question de l'inscription», reléguant les autres problèmes qui sont plus importants au second plan. Les zones reculées sans pharmacie Les pharmaciens doivent s'installer dans les régions où il y a besoinqui s'exprime. Car, à présent, certaines zones reculées se sont retrouvées sans pharmacies, alors qu'une saturation est constatée au niveau des grandes villes. La répartition géographique, recommande le responsable, doit être prise en considération. Car l'ouverture anarchique des officines «n'est qu'une conséquence de la violation de la loi». L'ordre ne comprend pas pourquoi le ministère de tutelle a adressé cette circulaire aux directions de la santé à travers laquelle il est mentionné de ne pas prendre en compte l'inscription à l'ordre, alors que c'est prévu par la loi comme c'est le cas pour les autres corporations. Paradoxalement, ce sont les pouvoirs publics qui poussent les pharmaciens à violer la réglementation. Refusant de s'impliquer dans des conflits stériles, l'ordre sollicite, à cet effet, l'organisation de rencontres avec le ministère de la santé pour exposer les réels problèmes. Tous les efforts des différentes parties sont indispensables car les enjeux sont importants, liés notamment à la politique du médicament que prône le pays et au trafic de psychotropes. Il faut revenir aux problèmes de fond et éviter de créer des polémiques. La santé publique en danger «La pharmacie ne doit pas être considérée comme un commerce car il s'agit de la préservation de la santé publique», qui est aussi l'objectif de la régulation du nombre des officines. «L'ouverture non contrôlée engendrerait des problèmes comme le trafic de psychotropes», avertit Lotfi Benbahmed, selon qui l'anarchie se traduirait par l'apparition de comportements d'ordre purement commercial, comme l'ouverture et la fermeture au goût du pharmacien, qui ne se gênera pas pour pratiquer les prix qu'il souhaitera. «L'administration doit donner les moyens à l'ordre et doit veiller à ce que l'ensemble des pharmaciens soient inscrits au tableau de la corporation», ce qui permettrait de mettre de l'ordre et d'avoir de véritables pharmaciens. Le malade pourra, de son côté, porter plainte auprès du conseil de l'Ordre contre le pharmacien en cas d'erreur. Par ailleurs, l'Ordre des pharmaciens, qui a tenu une réunion jeudi, sanctionnera ses travaux par un communiqué qu'il adressera cette semaine au ministère de la Santé, et dans lequel un appel au dialogue est déjà lancé.