Tout défenseur des droits de l'homme constitué pour défendre un gars qui a mis les doigts dans l'engrenage de la drogue va perdre un temps fou et précieux à chercher des trucs à envoyer dans les méninges d'un magistrat pas souvent prêt à être à l'écoute d'un drogué ou d'un dealer. Maître Hammoudi a joué et gagné devant la juge... Maître Hammoudi s'adresse à Fella Ghezloune, la présidente de la section correctionnelle du tribunal d'El Harrach. «Voilà ce que fait l'usage de stops. Regardez ce malheureux qui est beaucoup plus à aider qu'à punir», dit de suite l'avocat d'Alger, avant de revenir aux faits survenus dans les environs de La Montagne, cette portion de la daïra d'El Harrach où il est difficile d'évoluer vers l'éradication de ce fléau, l'usage de stups. «Mohamed-Rachid, à son âge, veille au même titre que tous les jeunes du quartier. Il veille avec des gens noyés dans la consommation de la drogue», a lancé le défenseur qui s'est étonné que son client soit le seul «cueilli» et présenté au parquet. C'est ce moment que choisira Ghezloune, la juge qui ne quitte pas des yeux le turbulent et omniprésent Messaoud Kennas, le représentant du ministère public, pour poser une question d'où devrait surgir une réponse foudroyante. «Inculpé, dites-nous un peu. Avec qui sniffiez-vous ?» «J'étais seul, car durant la compagnie du joint, je veux désespérément rester seul !», répond Mohamed-Rachid qui semble avoir pris de court la magistrate qui s'attendait plus à la résistance qu'à la résignation. Et Ghezloune adore cette catégorie d'inculpés, ceux-là même qui facilitent la tâche au tribunal. «Trois mois ferme», murmure Kennas. Maître Hammoudi, égal à lui-même, fera mieux que son client. Il accordera une grosse économie de temps au tribunal, en plaidant outre le caractère vierge du dossier, les larges circonstances atténuantes. Et comme à la parade, la présidente prend acte du dernier mot du détenu. «Je vous présente mes excuses les plus franches», avait-il souligné, avant d'infliger un trois mois de prison assorti du sursis. Il n'aura connu la prison que... deux nuits.