La récente réunion (5 février 2007) du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), panel composé de climatologues de renommée internationale, a donc confirmé la tendance actuelle au réchauffement rapide du climat. Dans ce contexte, l'une des principales préoccupations de la communauté scientifique est de mieux comprendre le fonctionnement du système climatique, afin d'en prévoir l'évolution à moyen et long termes. Les chercheurs considèrent que la compréhension du futur changement climatique passe par la connaissance des changements rapides qui se sont manifestés au cours des derniers milliers à centaines de milliers d'années. Ils se sont donc attelés à rechercher et à analyser les documents géologiques renfermant des informations sur la température, la pluviométrie, les variations du niveau marin, etc. Apparus il y a environ 240 millions d'années, les formes coralliennes qui construisent actuellement les récifs sous les tropiques (coraux Scléractiniaires) ont toujours été considérées par les géologues comme d'excellents indicateurs climatiques. Par assimilation aux coraux récifaux actuels, les coraux fossiles, présents dans les terrains sédimentaires, ont été généralement considérés comme signant des milieux de mer chaude. Au cours de la dernière décennie, les recherches utilisant les coraux pour reconstituer le climat à différentes périodes de l'ère Quaternaire (derniers 1,8 million d'années), ont été multipliées. Les récifs présentent le double avantage, d'une part, d'enregistrer en continu les modifications du milieu ambiant sur des durées de dizaines à centaines de milliers d'années, à travers leur anatomie et les caractéristiques squelettiques des colonies coralliennes qui les composent, et, d'autre part, de pouvoir être datés avec précision par des méthodes diverses, fournissant ainsi un cadre chronologique précis aux évènements climatiques qu'ils ont enregistrés. L'enregistrement des changements climatiques s'effectue à deux échelles : à l'échelle de la colonie corallienne et à l'échelle de l'édifice récifal. 1 - Les méthodes biométriques La plupart des espèces élaborant des colonies massives sont caractérisées par la présence de bandes de croissance (appelées sclérobandes). Ces bandes sont équivalentes aux stries de croissance observées dans les arbres, chez lesquels elles permettent de déterminer leur durée de vie (dendrochronologie). Il en est de même chez les coraux. Les sclérobandes enregistrent le temps pendant lequel la colonie s'est développée (sclérochronologie). Les techniques de la radiographie sont utilisées depuis une trentaine d'années pour identifier les rythmes annuels de croissance chez les coraux massifs. Sur des clichés radiographiques («négatifs») soumis aux mêmes conditions d'exposition, ces rythmes sont matérialisés par des alternances de bandes claires et sombres (Figure 2). Les bandes claires représentent les zones du squelette les plus radio-opaques faiblement pénétrées par les rayons X, c'est-à-dire les zones les plus compactes ou, en d'autres termes, les bandes de «haute densité». En revanche, les bandes sombres correspondent aux structures largement pénétrées par le rayonnement, donc les plus aérées : il s'agit des bandes de «faible densité». Un couplet «bande claire+bande sombre» correspond généralement à une année de croissance. 2 - Les méthodes physico-chimiques Les coraux constituent des chronomètres précis pour dater les évènements climatologiques qui se sont manifestés au cours de l'ère Quaternaire. Les deux « horloges » les plus courantes correspondent à la méthode de datation au radiocarbone (14C) et à celle de l'uranium/thorium. La méthode au radiocarbone repose sur la mesure du rapport entre le 14C résiduel (isotope radioactif, instable) et le 12C (carbone non radioactif, stable) dans le squelette. Le taux de radiocarbone, donc le rapport 14C/12C décroît à partir de la mort du corail. Initialement, la technique de datation au radiocarbone posait que la formation de 14 C (période de demi-vie = 5568 ans) était constante au cours du temps. Les âges alors obtenus, exprimés conventionnellement en années 14C BP (Before Present), avant 1950, année de référence, ne correspondaient pas à l'âge réel. La déviation augmente avec l'ancienneté de l'organisme. En effet, le 14C assimilé par les organismes provenant du CO2 atmosphérique dont la concentration a fluctué au cours du temps, la valeur initiale du rapport 14C/12C dans un corail vivant n'a pas été constante. Pour obtenir des âges réels (encore dénommés «âges calendaires»), il faut corriger les variations atmosphériques à l'aide d'une courbe de calibrage. Cette courbe est obtenue en comparant, dans des coraux, les âges conventionnels au 14C avec les âges réels calculés par d'autres méthodes (en particulier, la méthode uranium/thorium). Ces deux méthodes qui reposent sur l'utilisation d'éléments radioactifs sont dites radiochronométriques. La méthode uranium/thorium repose sur la mesure des deux d'isotopes radioactifs (234U et 230Th), éléments-fils intermédiaires de l'uranium 238 (périodes respectives de demi-vie de 234U et de 230Th = 244 500 et 75 360 ans). Dans les océans, l'uranium et le thorium sont présents en proportions variables. Lors de la cristallisation de l'aragonite corallienne, il y aurait capture uniquement de l'uranium 234. En mesurant la quantité de 230Th produite par la désintégration de 234U, on calcule le temps écoulé depuis la formation du squelette. Concernant les périodes les plus anciennes du Quaternaire (plus de 600 000 ans), on fait appel ponctuellement, pour dater les séquences coralliennes, à la méthode des isotopes du strontium (mesure du rapport 87Sr/86Sr dans les coraux). Cette méthode ne permet cependant d'obtenir que des âges approximatifs (par exemple, incertitude de 30-40% sur un âge 87Sr/86Sr de 700 000 ans).