L'objet ici est l'importation des biens alimentaires. Il faut d'abord rappeler une opinion sur laquelle s'accordent les économistes : pour une large part, l'importation se fait au détriment de la production nationale, et c'est parce que les groupes de pression liés aux milieux importateurs pèsent lourdement sur la décision politique que des pans entiers de l'économie nationale végètent, quand ils ne régressent pas tout court. Peut-être que l'exemple le plus frappant est celui du blé. En effet, l'Algérie antique était déjà réputée pour la production de cette céréale au point qu'on l'appelait «le grenier de Rome» ; et le coup d'éventail du Dey qui aurait provoqué le débarquement français à Sidi Fredj n'était-il pas dû au refus de la France d'honorer sa dette pour tout le blé fourni par l'Algérie ? Comment se fait-il, dès lors, que l'Algérie contemporaine devienne le premier importateur mondial ? Le problème est d'actualité, et le gouvernement semble s'en soucier grandement puisqu'il fait montre d'une volonté d'amoindrir la facture alimentaire, et par voie de conséquence celle du blé importé. Or, l'on constate que même lorsque la récolte de cette céréale est exceptionnelle, la quantité et la valeur du produit importé ne diminuent point. Ce serait même l'inverse qui se passe. N'y a-t-il donc aucun contrôle ou tout au moins une évaluation de la production locale pour n'importer que le complément nécessaire, quand c'est le cas ? Et où va l'excédent ? S'évade-t-il via les frontières par la contrebande ? Ceci pour la question de fond. D'un autre côté, il apparaît nettement que l'activité d'importation n'obéit à aucune règle si ce n'est celle d'une anarchie débridée. Un seul exemple suffit à l'illustrer. Au mois de mai dernier, comme le rapportait un confrère, 128 tonnes de conserves d'ananas ont été refoulées du port d'Oran vers leur pays d'origine qui se trouve être la… Chine ! Etrange que d'importer de si loin un produit largement présent en Afrique qui est le continent dont fait partie l'Algérie, non ? Qui, dans l'opinion ignore que des tas de produits périmés aboutissent chez le consommateur ? Or, le contrôle aux frontières est effectif, mais s'il semble inefficace, ne serait-ce pas parce qu'il n'est pas régulier ? Maintenant qu'aussi bien la rue que le gouvernement sont excédés par ces importations sans queue ni tête, se résoudront-ils, chacun à sa manière, à ce que l'on appelle «la préférence nationale», le citoyen en privilégiant la consommation du produit local, et le gouvernement en n'ayant recours à l'importation qu'en complément de la production nationale ? On verra ce que dira l'avenir.