Plage Miramar, dans le quartier éponyme, sur la côte ouest d'Alger. On y accède par un escalier étroit et abrupt, coincé entre le cimetière marin et une vieille bâtisse coloniale qui a subi on ne sait combien de liftings. Dès que l'on descend les premières marches, la plage Pertuis, aujourd'hui Miramar, s'offre toute entière au regard. Le visiteur qui découvre pour la première fois le lieu est vite saisi par sa magnificence. Sur la gauche, en contrebas du cimetière, on s'attardera un moment sur la voûte naturelle façonnée par le mouvement incessant des vagues et le fameux «Rocher carré», à quelque 150 mètres du rivage, qui a tenté bien de téméraires nageurs. La minuscule plage, qui compte tout au plus une cinquantaine de mètres de long, est envahie par une nuée d'enfants de tout âge. Certains sont accompagnés de leur père, d'autres d'un grand frère, mais la plupart y viennent seuls car habitant en général les environs. «Les jours de semaine, ils sont près de deux cents, les week-ends davantage car il faut compter avec les riverains et les étrangers qui débarquent des différents quartiers de la capitale», explique Mehdi, un jeune surveillant de plage. Depuis l'ouverture officielle de la saison estivale, rien de particulier n'est à signaler. Aucun incident majeur n'est venu troubler la quiétude des lieux, et le petit groupe de maîtres nageurs continue de croire qu'il ne se passera rien de grave jusqu'à la fermeture officielle de la saison. Mehdi en est d'ailleurs convaincu. Cet athlète à la musculature impressionnante est craint par tous les jeunes du quartier, y compris les bons nageurs, auxquels il interdit de rejoindre Rocher carré par temps houleux. «Et quand le drapeau rouge flotte, aucune personne ne peut mettre les pieds dans l'eau», assure-t-il, fort persuadé de son rôle. Que d'inconscience ! Mais sa hantise reste la seconde plage de Miramar, mitoyenne de Pertuis, qui n'est pas surveillée. Par on ne sait quel phénomène, elle exerce un attrait particulier sur les jeunes adolescents. Très difficile d'accès, on la rejoint en empruntant le chemin de chèvres qui longe le mur du cimetière. Un faux geste, et c'est la chute dans le vide. «Nous avons attiré l'attention des autorités et avons même pris des photos de parents portant leurs enfants sur les épaules qui empruntent ce sentier», assure Mehdi, qui dit ne pas comprendre autant d'inconscience chez les gens. «Plus grave, quand survient un incident sur cette plage, ce sont les citoyens qui nous en informent depuis le haut de la falaise. Nous avons alors deux solutions : rejoindre la plage par le sentier, ce qui nous prend dix bonnes minutes, ou y accéder à la nage, en passant sous la voûte. Dans les deux cas, cela prend du temps.» Et l'on sait qu'en cas de noyade, chaque seconde compte. La difficulté réside aussi dans l'absence d'embarcation de secours, Miramar n'étant pas une plage à forte fréquentation.On croise les doigts pour le moment, tout en comptant sur la providence… et la prudence que doivent observer les baigneurs. De temps à autre, un adolescent se fait sérieusement amocher en tombant sur un rocher. «Des accidents bêtes qui pourraient être évités avec un minimum de précaution», rappelle Hakim, un autre surveillant. Il explique que quelques imprudents s'aventurent sur les rochers quand la mer est démontée, «et c'est la glissade garantie». Pour l'instant, il a été recensé quelques blessures sans gravité ou nécessitant tout au plus un à deux points de suture. Un lido avenant La plage de Miramar, autrefois fréquentée par des marginaux, a complètement changé de visage. Des cabines ont été installées à côté du poste de la Protection civile, des douches ainsi que des toilettes. Des sacs poubelles sont mis à la disposition des estivants. Deux fois par jour, une équipe de volontaires procède au nettoyage de la plage. Deux commerces quatre saisons y ont été autorisés ainsi qu'une boutique de location de matériel de plage. Contrairement aux autres plages «sélect», on ne paie aucun droit d'accès, et la quiétude des estivants n'est pas troublée par ces étranges énergumènes qui hantent les plages algériennes. Ici, on ne tolère ni les chiens… ni les footballeurs ou quiconque qui s'amuserait à importuner la gent féminine.La particularité de la plage Miramar, c'est cette tradition qui commence à s'ancrer dans les mœurs : dès la tombée de la nuit, les familles de riverains prennent possession des lieux pour ne les quitter qu'après minuit. Quelques-unes vont jusqu'à dîner sur le sable, d'autres y demeurent jusqu'aux premières lueurs de l'aube.