Selon Belgacem Lamamri, qui dirige une association caritative en faveur des SDF de la wilaya de Aïn Defla, une association composée d'une quinzaine de bénévoles, non encore agréée faute de local, 92 personnes sans domicile fixe sont recensées à travers l'ensemble du territoire de la wilaya. Il existe deux catégories de SDF, indique notre interlocuteur, les aliénés mentaux venus des communes de la wilaya et les rejetés de la société, des personnes saines d'esprit qui ont perdu toute attache avec leur famille. Dans cette dernière catégorie, on retrouve une vingtaine de femmes exposées à tous les vices et les dangers de la rue. Certaines élèvent des enfants en bas âge. Fou pour les uns, marabout pour les autres Ces SDF qui sont dans les villes et villages depuis des dizaines d'années ont fini par faire partie du décor. Les citoyens remarquent leur absence et s'interrogent sur leur sort notamment ceux qui ont l'habitude de leur offrir à manger et à boire. Yahia, la soixantaine largement dépassée, a élu domicile sous la véranda de l'ancien bureau de poste. Il est là depuis plus d'une trentaine d'années diront les riverains. On apprendra qu'il n'est pas violent et qu'il parle rarement même pour demander à manger. «Il ne mendie pas non plus et il ne sait pas quoi faire de l'argent que des âmes charitables lui offrent. Yahia est dans cet état depuis son accident. Il a été percuté par un camion à Arib», affirme «Ammi» Belgacem. Il récite le Coran et fait aumône de sa pension Mohamed Bouhaloufa est un étrange SDF. Aliéné mental pour les uns, marabout pour d'autres, il passe ses nuits dans une petite pièce que lui a aménagée le président de la commune d'El Hassania, à 68 km au sud-ouest du chef-lieu de la wilaya et se déplace chaque jour, été comme hiver, à Aïn Defla où il arpente à longueur de journée la rue principale. Il mendie rarement mais donne de l'argent aux personnes qui lui plaisent. «Bouhaloufa, qui est retraité de l'armée, a reçu un choc psychologique la nuit de ses noces, depuis il est dans cet état», affirme le P/APC en ajoutant qu'il distribue toute sa pension aux pauvres de sa commune et ne garde pas un centime de ses 17 000 DA. Meliani a son propre espace. Qu'il pleuve, qu'il vente ou qu'il fasse chaud, il dort sur le trottoir du quartier Mazouzi durant la journée pour rester actif et éveillé la nuit. Son passe-temps favori est de ramasser les ordures, les cartons, les sachets en nylon qu'il brûle. Pour cette tâche et constatant qu'il n'est pas violent, les riverains lui fournissent vêtements et repas chauds. «Il a toujours sa bourse de tabac à chiquer», précise un jeune du quartier. Meliani récite le Coran ou chante quand il a envie. «C'est un phénomène», reconnaît hadj Ali. Des femmes livrées à la rue et à ses dangers Les femmes ont moins de chance avec les supposés normaux.A El Khemis, une dizaine de femmes, dont la plupart ont déserté le domicile familial pour une raison qu'elles sont seules à connaître, passent leurs nuits dans le jardin public près du commissariat de police. «Même à cet endroit elles sont victimes de viols de la part des voyous et des SDF», avoue H. Mohamed. Au niveau de la DAS, on nous signalera que des actions ont été menées pour enlever ces femmes de la rue en leur offrant gîte et couvert au niveau du centre pour handicapés et personnes âgées, mais ces dernières refusent d'y aller, préférant cette vie de SDF. C'est aussi près du siège de la sûreté de wilaya que ces femmes se rassemblent la nuit. L'une d'elles a trouvé mieux en accaparant un banc près des urgences de l'hôpital. Un roman d'Emile Zola A El Attaf, des jeunes femmes venues des communes avoisinantes ont trouvé refuge à la gare. Ces malheureuses ont été engrossées plusieurs fois, et ce, au vu et au su de tout le monde. Elles abandonnent leurs enfants à l'hôpital où elles accouchent. Une situation qui laisse indifférentes les autorités concernées.A ces SDF recensés viennent s'ajouter deux familles totalisant 14 personnes, expulsées de leurs logements ce mercredi à Miliana, et une femme avec son enfant qui a été mise à la porte par son mari à Aïn Defla. Quant à l'association de «Ammi» Belgacem, son seul souhait est d'avoir un local pour héberger ces sans-abri et de les garder propres et leur assurer la sécurité. «La nourriture, il y a toujours des âmes charitables qui s'en occupent», conclut ce bénévole.