La région de Yakourène, située à une quarantaine de kilomètres à l'est de Tizi Ouzou, est surtout réputée pour sa dense forêt, véritable poumon écologique de toute la région. Cette forêt qui s'étend sur une superficie de 13 000 ha est aussi connue pour la richesse de sa faune et de sa flore. Outre d'importantes sources thermales, comme Hammam Kiria, elle est caractérisée par une faune aussi riche que variée : on y trouve le singe magot, le chacal, le porc-épic et le lièvre qui se disputent les espaces entre de luxuriantes végétations et de magnifiques arbres comme le chêne zen et le chêne liège, plus particulièrement dans la montagne Tizi Oufella tout comme dans le Mont Tamgout qui culmine à 1252 m ou encore dans la forêt des Ath Ghobri qui est parsemée de vestiges antiques (stèles libyques) et des ruines à Begoub. Yakourène est aussi une région chargée d'histoire qui remonte jusqu'aux époques les plus lointaines. La forêt de Yakourène renvoit également à la résistance contre l'occupant français. Elle a constitué le refuge d'Arezki L'bachir, ce bandit d'honneur, natif des Aït Bouhini, qui a fait de ce massif son principal refuge avant d'être exécuté sur la place publique d'Azazga en 1894. Durant la guerre de libération, cette forêt a été le point névralgique de l'ALN. L'espace forestier se meurt A l'image de sa sœur jumelle Mizrana, la dense forêt de Yakourène est un espace qui se meurt. Jadis appelée la «petite Suisse nord-africaine» en raison de sa verdure et de sa densité, ce site écologique est, de l'avis de tous, massacré par l'homme et la déforestation. Naguère, elle était encore une destination très prisée par les vacanciers, les amoureux des randonnées pédestres, les campeurs qui s'adonnaient aux plaisirs de la montagne et de la forêt. Elle abritait même des centres de colonies de vacances. Aujourd'hui, elle ressemble à un no man's land. Les groupes islamistes armés qui s'y réfugient lui ont donné une réputation lugubre. Sur un autre plan, elle est qualifiée d'insalubre, de saccagée et d'autres vocables parmi les plus sinistres qu'on lui a greffé et qui ne suffiront pas pour décrire l'état dans lequel se trouve actuellement ce magnifique site écologique . De la forêt hégémonique qui offrait le magnifique paysage enrôlé d'un luxuriant tapis végétal à plusieurs variantes d'arbres, il ne subsiste pas grand-chose.Vue de loin, celle-ci offre un paysage splendide. Mais vu de plus près, sa situation donne un sentiment de désolation, tant le spectacle est accablant. Les décharges sauvages, les monticules d'ordures et un tas de détritus s'amoncellent aux abords de la route. Par endroits, au fond de la forêt même. La forêt de Yakourène a connue une nette dégradation de son environnement ces dernières années. A tout cela s'ajoutent les multiples incendies qui ont fini par donner le coup de grâce à cet espace autrefois luxuriant. Il faut dire que la négligence et le non- civisme des citoyens ont fait que ce paradis de verdure se meurt petit à petit et perd des pans entiers à chaque saison des grandes chaleurs. L'abattage et l'extraction illicites du chêne- liège : le coup de grâce La forêt a subi une autre forme de dégradation : la coupe illicite du bois et l'extraction du liège. En effet, certaines personnes de la région ont trouvé en l'abattage des arbres et l'extraction du chêne-liège un moyen de se faire de l'argent. Le bois et le liège finissent dans le marché parallèle et une partie à la vente ou pour utilisation comme bois de chauffage pour ces familles dont la plupart sont complètement démunies. Selon certaines estimations, l'espace forestier a diminué de près de 5% par année. La pollution n'est pas en reste dans cette kyrielle de malheurs qui ont touché cette forêt. Des eaux usées sont déversées au cœur même de la forêt. Par ailleurs, l'extraction de pierres de manière illicite sans aucune règle et sans autorisation aggrave l'érosion du sol. Cet état de choses a causé la diminution et la disparition de la faune de la région notamment les sangliers, les lièvres, les étourneaux, les grives et diverses variétés d'oiseaux tels l'aigle, l'épervier, le faucon, la perdrix et autres dont le nombre est en pleine régression ces dernières années. Le laxisme des autorités mis à l'index Il faut dire que c'est toute la biosphère de la région qui se trouve menacée de disparition. Face à ce véritable «massacre», les autorités affichent une indifférence totale et semblent opter pour la politique du laissez-faire. Les appels sont incessants à l'endroit de ces mêmes autorités, des services des forêts et de ceux de la protection de l'environnement ainsi que des écologistes pour qu'ils interviennent afin de mettre un terme à ces agressions de la nature aux conséquences irrémédiables. Il est à signaler que le potentiel que recèle cette région est à même d'être un apport considérable sur le plan économique . Le site de Yakourène doit être classé parc national Actuellement, le cadre naturel pourtant subjuguant qu'offre la région n'est pas à lui seul suffisant pour attirer les touristes dans cette région au potentiel non négligeable. Dépourvu d'infrastructures, – il n'existe qu'un seul hôtel climatique Le Tamguot –, il est impératif d'aller vers un aménagement spécifique et nécessaire afin d'attirer les touristes. L'exploitation rationnelle du site est à même de donner un nouveau souffle à l'économie de la commune de Yakourène, de celle d'Azazga et même de toute la région. Il faut dire que nombreux sont ceux qui plaident afin de voir la forêt de Yakourène élevée au rang de parc national afin de la prémunir de toute agression et sauvegarder ce qui reste de la faune et de la flore de cet écosystème menacé de disparition. Les habitants face à la catastrophe qui guette la forêt Le problème de l'hygiène est devenu un véritable casse-tête chinois, selon la formule consacrée, pour les autorités locales dans cette région qui ne dispose pas de centre d'enfouissement. Résultat : les décharges publiques sauvages poussent comme des champignons avec tout ce que cela suppose comme danger permanent qui guette la santé publique. C'est justement dans l'optique de dire stop à cette fatalité qui rode au- dessus des têtes telle l'épée de Damoclès que les habitants du village Taddart, entre les communes d'Azazga et de Yakourène, avaient saisi le maire d'Azazga, car la superficie polluée dépend de cette dernière, pour lui rappeler qu'une décharge provisoire a toutes les chances de devenir permanente. Ladite décharge est implantée au bon milieu de cette forêt par l'APC d'Azazga. Elle est aujourd'hui, à l'origine d'un vent de colère qui ne cesse de grandir d'autant que les défenseurs de la nature et de l'environnement comptent se pencher sérieusement sur ce problème. Seule consolation, la fontaine fraîche En ces journées caniculaires, la route menant à la fontaine fraîche, sur la RN 72, connaît une affluence inhabituelle. Une longue file de voitures se forme le long de ce chemin qui y monte en serpentant. Passage obligé pour se rendre à Béjaïa, cet endroit connaît une plus grande affluence durant les week-ends. Plusieurs centaines d'estivants venant de nombreuses wilayas du centre du pays n'hésitent pas à faire une halte récréative à proximité de la fontaine fraîche baptisée Touizi à l'eau désaltérante. A cet endroit précis, la forêt de Yakourène prend l'air d'une fourmilière tant les familles s'affairent à organiser des promenades et des pique-niques aux alentours tout en observant les primates qui n'hésitent plus à se rapprocher. Non loin se trouve une autre fontaine miraculeuse dont on loue les qualités de son eau guérisseuse de multiples maladies notamment les calculs rénaux. Ce lieu est la destination favorite des estivants qui viennent en famille apprécier la saveur et la fraîcheur d'une eau limpide et cristalline. Les visiteurs rencontrés sur place n'ont pas manqué de faire part de leur bonheur de se retrouver dans ce lieu calme au beau milieu de mère nature, cela en notant la triste image d'abandon qui caractérise une si merveilleuse région et qui contraste avec la beauté du site. En effet, il est difficile de trouver une place salubre pour pique-niquer près de la fontaine, tant la saleté est maîtresse des lieux. Des deux côtés de la route, des boutiques de fortune ont été érigées pour vendre toutes sortes de marchandises, en particulier des produits de poterie.