«L'absence de concertation, l'autoritarisme qui dicte les décisions économiques réduisent la crédibilité de ces mesures et risquent de conduire à la paralysie du pays.» C'est en ces termes qu'a tenu à réagir hier le Forum des chefs d'entreprises au sujet de l'ordonnance portant loi de finances complémentaire 2009. Face à la situation jugée «grave», le FCE convoquera une assemblée générale extraordinaire de ses adhérents afin d'analyser la situation nouvelle générée par ces mesures. Par le biais de ce communiqué transmis hier à notre rédaction, le FCE a exprimé sa position à propos de certaines dispositions de la loi de finances complémentaire 2009. D'emblée, le forum fait remarquer que l'adoption d'une telle loi par ordonnance suscite déjà des inquiétudes au sein de la communauté des chefs d'entreprise. «Si la philosophie générale qui fonde cette loi peut être comprise par les chefs d'entreprise, la préoccupation légitime des pouvoirs publics étant de contenir la croissance des importations et de maîtriser les équilibres de la balance des paiements, il n'en demeure pas moins que les profonds bouleversements dans l'organisation de l'économie nationale qu'introduit cette loi de finances complémentaire sans aucune concertation avec les acteurs économiques et sans débat national - la loi étant prise par ordonnance - suscitent tout aussi légitimement de profondes inquiétudes au sein de la communauté des chefs d'entreprise», lit-on dans ce communiqué. Le FCE, qui a toujours plaidé pour la mise en place d'une véritable stratégie de développement économique et social, considère que l'ébauche d'une politique économique nationale sur la base de la loi de finances comporte des dangers. «Si, de surcroît, cette ébauche est portée sur une loi de finances complémentaire, censée pourtant ne pas bouleverser les équilibres définis dans le cadre de la loi de finances annuelle, sans débats, sans consultation d'aucune sorte des principaux détenteurs d'intérêt dans le processus de développement national, il est aisé de comprendre le désarroi des entrepreneurs algériens», tient à relever le FCE au sujet de la démarche des pouvoirs publics de régulation de la vie économique par le recours à la force de la loi. Pour cette association patronale, les mesures édictées par la loi de finances complémentaire 2009 «ne constituent pas la réponse appropriée ni aux préoccupations conjoncturelles des pouvoirs publics visant l'équilibre de la balance des paiements ni à celles des entreprises, freinées dans leur développement». L'exigence de règlement des opérations d'importations par le crédit documentaire et la suppression en matière de formalités du commerce extérieur sont les principales dispositions critiquées fortement par le FCE. «Imposer comme seul mode de paiement des importations le crédit documentaire, qui en fait ne profite qu'au seul fournisseur, pénalise lourdement l'entreprise qui doit immobiliser une importante trésorerie», a souligné le FCE au sujet de cette disposition consacrée par la loi de finances, ajoutant que «la portée économique d'une telle mesure n'apparaît pas». Le forum rappelle que le recours au crédit documentaire était une exigence des fournisseurs lorsque l'Algérie était classée pays à risque, et «depuis que notre pays a renoué avec la stabilité et la confiance, les opérateurs économiques règlent en général le paiement au minimum 90 jours après réception de leurs marchandises». En raison de cette disposition, le FCE craint la disparition des sociétés d'importation, ce qui va conduire, prévient-il, à l'accroissement du chômage, de la pénurie de produits, des surcoûts, de l'inflation… Période transitoire indispensable Le FCE plaide à ce propos pour une période de transition permettant le traitement des opérations en cours (bateaux en rade, livraisons encore en mer, documents en attente auprès des banques…).La suppression de la procuration en matière de formalités du commerce extérieur constitue, pour l'association patronale, «une humiliation et un mépris à l'égard des chefs d'entreprise». Des propos qui illustrent la déception des membres du forum. «Par cette mesure (suppression de la procuration), l'entreprise se retrouve véritablement mise sous tutelle puisque l'organisation du travail en son sein lui échappe. De ce fait, le chef d'entreprise devient indispensable pour l'accomplissement de procédures aux lieu et place du personnel habituellement en charge de ces opérations», constate encore le FCE. Le Forum des chefs d'entreprises a déploré «l'absence de débat de fond portant sur les choix fondamentaux qui doivent déterminer la politique économique du pays». Avec la réaction du FCE, la liste des organisations patronales contestataires des mesures décidées par les pouvoirs publics s'allonge davantage. Jeudi dernier, la Confédération des industriels et producteurs algériens (Cipa) a évoqué un «tsunami» au sujet des dispositions prises par les autorités publiques, particulièrement celles portant sur le commerce extérieur.