S'il y a une entreprise publique qui se trouve en pleine indécision, car chargée d'une mission précise mais quasiment impossible à réaliser, non pas pour des raisons économiques ou techniques, bien que celles-ci existent, mais pour des directives contradictoires, voire absentes, c'est l'Endimed, qui a été créée en 1998 avec une seule mission, celle de privatiser les officines pharmaceutiques du secteur public. Cette mission elle-même était circonscrite dans le temps, c'est-à-dire trois années au bout desquelles elle devait être dissoute, ou plutôt devenir caduque n'ayant plus d'objet.Or cette entreprise est encore là, et bien là, avec plus de 1000 officines encore sur les bras, si l'on ose dire, alors que des entreprises qui lui sont liées et qui devaient rester pérennes ont disparu.Un petit historique est nécessaire pour faire comprendre cette situation paradoxale. A la veille de la création de l'Endimed, en janvier 1998, trois grosses entreprises publiques dominaient le marché de la commercialisation du médicament et s'approvisionnaient en important de l'extérieur ou en achetant auprès des producteurs nationaux, en tête desquels était et demeure Saidal. Ces trois entreprises étaient l'Enapharm, au centre, l'Encopharm, à l'est et l'Enopharm à l'ouest. Tous ces établissements faisaient de l'importation, étaient distributeurs en gros et géraient les officines publiques implantées dans leurs secteurs respectifs. Pour avoir cumulé un lourd passif, notamment auprès des banques, elles furent dissoutes le 31 décembre 1997. Suite à quoi, les pouvoirs publics procédèrent à la restructuration du domaine pharmaceutique. Cela se fit en séparant les trois fonctions, que sont l'importation, la distribution en gros et la distribution au détail, alors que précédemment chacune des trois entreprises évoquées disposait de ces attributions. C'est ainsi que les opérations d'import furent confiées à Simedal, la distribution en gros à Digromed et la distribution au détail à l'Endimed. Autrement dit, cette dernière hérita de toutes les officines du secteur public à l'échelle nationale. Et ce n'était pas peu, puisque le nombre de ces dernières avoisinait les 1300 implantées sur tout le territoire, l'extrême sud compris. Avant d'aller plus loin, il y a lieu de rappeler que les deux premières entreprises citées ont été dissoutes depuis plus d'une année, et ne reste que l'Endimed qui s'approvisionne chez les producteurs nationaux et les importateurs. Et c'est là que commença un parcours imprévu. Privatisez, privatisez, il en restera toujours quelque chose ! Dès sa création, comme déjà dit, il était décidé que l'Endimed devait travailler à sa disparition en se délestant de l'ensemble des officines publiques, désormais sous son contrôle et dont les personnels dépendaient d'elle. Les opérations de privatisation ne devaient pas outrepasser la durée de trois ans, elles devaient être «bouclées» durant la période 1997-1998. Voilà pour les prévisions, mais la réalité allait dicter un tout autre parcours !Fouetté par la conjoncture de l'époque, où la privatisation avait le vent en poupe, aussi bien par l'idéologie ultralibérale du moment, mais peut-être surtout parce que l'Algérie voulait donner des gages au FMI sous les fourches caudines duquel elle avait été contrainte de passer, l'Endimed entama sur les chapeaux de roue de vendre ses pharmacies. Entre 1998 et 1999, quelque 200 officines furent vendues, tandis que quelques dizaines d'agences furent versées à la Cnas. Puis tout commença à patiner. A signaler que jusqu'à présent, car dans le maelström «privatif» on en arriva à faire des promesses de vente, beaucoup d'acquéreurs viennent se plaindre auprès de l'Endimed car ils ne disposent pas encore légalement de leur bien et continuent de payer les intérêts bancaires. Certains parmi eux veulent carrément être remboursés et rétrocéder les pharmacies à l'entreprise mère.Les opérations de privatisation continuent de patiner pour deux raisons essentielles, dont la première, assez inattendue, est la nouvelle attitude des pouvoirs publics caractérisée par une tiédeur à l'égard de la privatisation, comme concept et comme pratique. Ainsi, le Conseil des participations de l'Etat (CPE), qui doit nécessairement avaliser la vente d'un bien d'Etat pour que l'opération soit validée, ne s'est pas réuni depuis plus d'une année. A préciser que ce conseil est présidé par le chef du gouvernement. Le deuxième écueil, et non des moindres, est d'ordre financier. Comme les officines ne peuvent être rétrocédées qu'à des pharmaciens diplômés, ceux-ci sont généralement désargentés au sortir de l'université et ne peuvent, par conséquent, acheter des pharmacies dont le prix va de quelques millions de dinars à plusieurs dizaines de millions de dinars. Certes, l'Endimed a conclu un protocole d'accord avec le Crédit populaire d'Algérie (CPA) pour que celui-ci finance (prête à) l'acquéreur jusqu'à 80% du coût estimé par les experts, mais cela s'avère insuffisant car l'acheteur ne peut dégager les 20% restants et de surcroît la vente se fait aux enchères, qui parfois double le coût, alors que le CPA ne couvre que le prix estimé. Enfin, il est difficile pour l'Endimed de régulariser la situation de l'acheteur car les murs des officines appartiennent soit à l'OPGI, à l'APC ou aux Domaines. Et acheter les murs auprès de ces institutions demande des années de procédures. Pour toutes les raisons évoquées, cette entreprise est bloquée, ne peut fonctionner à la boussole, celle-ci ayant été perdue, et même à vue, car les perspectives sont brouillées. Entre temps ? Entre temps, cela fonctionne à l'algérienne, on ne sait comment…