Il est vraiment rare qu'une entreprise en charge de la réalisation d'une construction pour le compte d'un particulier, dit « autoconstructeur », souscrive un contrat d'assurance couvrant sa responsabilité imposée par la loi, au-delà de la finition des travaux. Force est de constater qu'une telle défaillance a tendance à se généraliser et même à atteindre certains architectes. Il faut savoir qu'en vertu des dispositions de l'article 554 du code civil « l'architecte et l'entrepreneur répondent solidairement, pendant 10 ans, de la destruction totale ou partielle des travaux de constructions immobilières ou des autres ouvrages permanents, et ce, alors même que la destruction proviendrait de vices du sol ». « La garantie prévue à l'alinéa précédent s'étend aux défauts qui existent dans les constructions et ouvrages et qui menacent la solidité et la sécurité de l'ouvrage. » Lorsque la prestation de l'architecte se limite seulement à l'établissement de plans de l'ouvrage, sans aucune intervention dans la surveillance de l'exécution des travaux, sa responsabilité est limitée aux vices provenant de ses plans (art 555 du code civil). Lorsque la mission de l'architecte s'étend au suivi de la réalisation des travaux, ce qui est souvent le cas, il est pleinement et solidairement responsable avec l'entreprise de toutes les malfaçons qui pourraient apparaître au cours des dix années qui suivent la « réception définitive de l'édifice censée avoir été constatée par un procès-verbal dûment signé par les parties concernées : propriétaire, architecte et entrepreneur(s). Quel autoconstructeur et quel entrepreneur ont respecté la procédure de réception définitive de l'édifice pourtant exigée par la loi selon laquelle « dès que l'entrepreneur a terminé l'ouvrage et l'a mis à la disposition du maître de l'ouvrage, celui-ci doit procéder, aussitôt qu'il le peut, à sa réception, selon la pratique suivie dans les affaires... La responsabilité légalement établie de l'architecte et de l'entrepreneur est dite « décennale, peut être couverte par une assurance adéquate qui compte au nombre des produits couramment proposés par les compagnies d'assurances, à souscrire séparément par l'architecte et l'entrepreneur. Il est évident qu'avant de s'engager dans une telle opération, l'assureur s'entoure normalement de certaines précautions qui visent tout particulièrement la qualification confirmée réglementairement de l'entrepreneur, celle de l'architecte étant établie, en principe, par son inscription au tableau de l'Ordre. Une telle exigence qualitative éloigne bien sûr les pseudo-entrepreneurs incapables - et pour cause - de justifier leur qualification et aussi parce qu'ils exercent « au noir ». Au su et vu de tout le monde, ils sont de plus en plus nombreux à activer dans « l'informel », secteur financièrement « juteux », avec pratique de prix défiant toute concurrence puisque n'incluant ni charges fiscales, ni cotisations sociales et encore moins prime d'assurance. Le plus souvent, « l'entrepreneur » n'intervient qu'en qualité de prestataire de services : à l'autoconstructeur de s'approvisionner en matériaux nécessaires, sans facture bien entendu. Tout le monde y trouve son compte et tant pis pour l'assurance de garantie décennale : pour les éventuelles malfaçons à venir, on s'en remet à la providence ! Il en est bien sûr autrement lorsqu'il s'agit de constructions initiées par des structures publiques et dans quelques cas privés, dans la promotion immobilière. Sur la responsabilité de l'architecte et celle de l'entrepreneur, est-ce à dire que la livraison de l'ouvrage dûment constatée par écrit vaudrait « quitus » pour les études et les travaux réalisés ? Si, en la matière, on devait faire application des principes et règles posés en droit civil relativement à la notion de responsabilité civile en général à l'activité de l'entrepreneur, les engagements de celui-ci prendraient évidemment fin avec la livraison de la chose, constatée contradictoirement. Partant de l'idée que la maître de l'ouvrage n'est pas un spécialiste en travaux de construction, la loi le fait bénéficier d'une spécificité juridique dans le but de lui éviter de subir les contrecoups des vices susceptibles de se manifester plus tard du fait des procédés et matériaux utilisés par l'architecte et l'entrepreneur. Cette théorie a, de tout temps, trouvé fort appui en doctrine : « Il n'y a aucun inconvénient à être sévère à l'égard de l'architecte ; le propriétaire de la construction ne connaît pas les règles de la construction et c'est à l'architecte de l'en instruire et à ne pas s'en écarter par une complaisance condamnable », écrivait déjà Treillard, un des rédacteurs du code civil. Une telle conception a toujours été suivie, avec constance, par la jurisprudence (française). Est-ce à dire que conformément à la règle qui prévaut dans la liberté contractuelle, les parties (propriétaire, architecte, entrepreneur) peuvent convenir d'un commun accord de réduire, voire supprimer le délai légal de dix ans ? Assurément non : la responsabilité de l'architecte et de l'entrepreneur est d'ordre public du fait que « la ruine des ouvrages est une cause de danger grave », d'où les dispositions spéciales édictées par l'article 556 du code civil selon lesquelles « est nulle toute clause tendant à exclure ou à limiter la garantie incombant à l'architecte et à l'entrepreneur ». Dans la pratique judiciaire, il se pose à la survenance de défauts postérieurement à la réception définitive, un problème de preuve : il appartient à la partie qui en fait état, en l'occurrence le propriétaire, d'établir la faute de l'architecte et/ou de l'entrepreneur, ce qui n'est pas toujours facile à administrer. C'est pourquoi, dans quasiment tous les cas, les tribunaux ont recours à l'expertise. Toujours dans le domaine de la charge de la preuve, il est aujourd'hui admis que lorsque les conditions de la garantie décennale se trouvent réunies, cette charge se trouve renversée : c'est alors à l'architecte et/ou à l'entrepreneur de prouver que les malfaçons ne leur sont pas imputables en faisant la démonstration que, par exemple, elles sont le fait d'une faute commise par le propriétaire comme un manque d'entretien dont il a la charge, cas fortuit ou force majeur... En ce qui concerne la prescription, on retiendra que le délai de dix ans est irrévocable : les responsabilités de l'architecte et/ou de l'entrepreneur seront éteintes au terme de la dixième année. Qui est apte à diligenter l'action en garantie ? On considère en droit qu'elle suit l'immeuble, « en quelque main que celui-ci soit transmis », de sorte que s'il y a vente, le droit à l'action en responsabilité est réputé avoir été cédé à l'occasion du transfert de propriété. Dans le cas particulier des immeubles en copropriété, l'action appartient indivisément à tous les propriétaires : chaque copropriétaire peut donc mettre en cause architecte et entrepreneur du fait de malfaçons constatées aussi bien dans la partie divise, c'est-à-dire incorporée dan son lot personnel, que pour celles qui altèrent les parties dites « indivises » ou « communes » dans la proportion des tantièmes qui lui sont reconnus, telle que décrite dans l'acte de vente. Les propos qui précèdent visent à sensibiliser autant que possible les candidats à l'autoconstruction sur les risques qu'ils prennent en confiant la réalisation de leur ouvrage à des entrepreneurs qui opèrent dans la clandestinité. Qu'ils imaginent ce qui adviendrait de leur responsabilité personnelle si un ouvrier du réalisateur, assurément non assuré, venait à faire une chute mortelle sur le chantier ? Et si des malfaçons importantes entraînent l'écroulement partiel ou total de l'édifice en causant, au surplus, des dégâts aux voisins ? Le domaine de l'autoconstruction mérite une attention toute particulière en raison de son apport positif dans le développement économique en général et de sa contribution réelle à la résorption du déficit en logements que connaît le pays. Ne devrait-on pas considérer que l'acte d'autoconstruction comme un investissement et, considéré ainsi, pourrait bénéficier d'allégements fiscaux, par exemple une franchise de la TVA à reconnaître au cas précis de construction d'une habitation principale. C'est sûr qu'une telle sollicitude serait de nature à réduire le recours systématique à « l'informel », plus que jamais enraciné dans les usages. Mais de grâce, point de formules du genre « abattement » ou « tarif réduit »... incompréhensibles et difficiles d'application : il faut passer par des solutions « frappantes » psychologiquement à même de susciter un changement des habitudes mais aussi financièrement fortement rentables et palpables pour l'autoconstructeur. Et tout le monde y gagnerait... y compris le Trésor.