Ouhida est une jeune juge qui n'aime pas qu'une partie vienne à l'audience insulter une autre. Elle n'a pas admis que ce mercredi, le papa se plaigne en injuriant son propre fils et un voisin. La victime, elle, n'a rien dit, abattue qu'elle était. Ah, cette justice de l'invective que refuse la juge. Dans le cas des affaires relative aux coups et blessures volontaires, il y a des magistrats qui infligent des peines de prison ferme. D'autres, non... Lorsque dans une affaire de coups et blessures volontaires il n'y a pas d'avocat, le magistrat gagne du temps à vouloir chercher le pourquoi des coups. Il en gagne car il est là, tout seul, n'ayant que le dossier comme support. Pour la majorité des juges, le procureur, qui n'est qu'une partie au procès, n'a pas tellement le loisir de «dominer» l'esprit du procès. Les deux antagonistes du jour, Mahfoud et Amor, auront beau donner leurs versions, chacun à sa manière, rien ne fera ciller le magistrat. Il est vrai qu'avec un certificat médical de dix jours, les termes de l'article 266 du code pénal peuvent dissuader le président à plus de fermeté. Clémence, alors ? Ni clémence ni acharnement. Le juge est sommé d'appliquer la loi, jamais de la commenter. Amor, dans sa version, jure que la victime a harcelé sa jeune sœur étudiante. «Vous cherchez la provocation ?» demande presque fâché le juge qui cherche dans la salle un parent de l'inculpé. Le papa se lève, un livret de famille à la main. Il s'approche de la barre. «Monsieur le président, cela fait dix jours et dix nuits que je souffre, ce sont des vauriens, tous les deux. Ils se soûlent ensemble, se shootent, courent les filles, ce sont des parasites. Ma fille n'a jamais été harcelée par personne. Nous sommes des gens honorables», récite, les yeux mi-clos, le père de l'inculpé, dont la face était sans teint, les prunelles de ses yeux étaient comme éclatées. Des yeux immobiles avaient déformé le regard tout au fond de leurs orbites «vidées» par la douleur née des propos tenus par le paternel, d'ailleurs rappelé à l'ordre par la juge Sofia Ouhida ; la colère du papa va se calmer. «Monsieur, n'insultez personne. Les mots vauriens et parasites sont inadmissibles pour le tribunal, c'est tout de même votre fils et votre voisin», sermonne le président, qui évitera de faire parler la victime abattue malgré le réconfort du regard lancé à un moment donné par l'épouse assise derrière parmi l'assistance. La victime dira quand même deux mots : «Je pardonne.» Le procureur demande la prison ferme : un an. Sur le siège, Ouhida la présidente rend la sentence. Elle suit les demandes du représentant du ministère public mais assorties du sursis. Ouf !