Du jamais vu à Ghaza. Alors que l'on s'attendait à ce que la police du Hamas pourchasse les députés du Fatah qui avaient réussi à fuir l'étroite bande pour gagner la Cisjordanie, où s'est tenu le congrès du parti de Mahmoud Abbas, elle vient de prendre pour cible un groupe salafiste ! Le végétatif Sharon n'aurait pas eu tort, des éléments proches d'Al Qaïda se seraient infiltrés dans les Territoires occupés au moment de l'évacuation de Ghaza. Qu'ils soient étrangers ou Palestiniens, de retour de leur exil forcé, cela ne change rien aux yeux de la direction de Haniyeh. Jounoud Anssar Allah ont été écrasés par la police du Hamas. A l'aube, à la fin de l'assaut donné contre une mosquée à Rafah, le bilan des affrontements s'élevait à 22 morts et à 120 blessés. Il doit bien y avoir une explication à cette frénésie, en plus du fait que le Hamas a accumulé de l'exaspération face à ce groupuscule radical qui n'a cessé de traiter les fidèles de feu cheikh Yacine de modérés. Pourtant, cela plairait bien à Tel-Aviv si cette soi-disant modération devenait signe de diminution, voire de faiblesse. Bien qu'il ne résiste pas à armes égales contre la superpuissance militaire moyen-orientale, le Hamas garderait bien son statut d'anti-israélien par excellence. Tout comme le parti chiite libanais de Nasrallah qui ne cesse ces derniers temps de répliquer à Tel-Aviv, les menaces de frappes contre Beyrouth se faisant persistantes. Avec ce coup de grâce porté contre les Jounoud d'Allah, se trouvera-t-il des groupes armés de l'arc radical proche-oriental qui critiqueront l'offensive sanglante du Hamas ? Bien qu'ils s'abstiennent à le déclarer publiquement, il y aurait des gouvernements, aussi bien arabes qu'occidentaux, qui penseraient que du bien de la raclée qu'ont donnée les partisans armés de Khaled Mechaal au groupuscule salafiste. L'élimination de ses chefs et de leurs lieutenants ne peut être définie autrement, il s'agit bel et bien d'une intervention au nom de la lutte antiterroriste mondiale. Du moins, régionale. Par son engagement sur la voie de la séparation par la force de la résistance qu'elle incarne et le radicalisme, version Al Qaïda, le Hamas s'attirera-t-il moins d'ennuis à l'avenir ? S'il est clair que ce ne sont pas Netanyahu et Liebermann qui vont modérer leur discours à l'égard du Hamas, celui-ci vient de marquer un point sur le tableau de chasse de la lutte anti-djihadiste mondiale. Ce qui donnerait quelque part raison à la France qui ne cesse de multiplier les contacts avec ce parti de Dieu, contrairement à l'administration Obama qui, elle, a choisi la politique des petits pas. Mieux encore, par extension, la nouvelle «coopération» du Hamas prouverait le bon choix de Nicolas Sarkozy quant au rapprochement avec la Syrie voisine, accusée par l'alliance israélo-américaine d'être fidèle alliée du Hamas palestinien. C'est dire qu'en mettant fin au projet de la création d'un émirat islamique dans Ghaza, le songe fou des Jounoud Anssar Allah, la direction politique du Hamas a frappé doublement fort. En plus de sa démarcation franche par rapport à l'idéologie de Ben Laden, auquel elle vient d'asséner un coup de massue, elle confirme toute sa capacité à gérer les affaires politico-sécuritaires à Ghaza. On comprend un peu mieux le pourquoi de cette démonstration surmédiatisée qui succède au congrès du Fatah, à la fin duquel le chef de l'Autorité palestinienne a été réélu sans surprise par ses caciques frères.