La saison estivale tire prématurément à sa fin. L'arrivée du Ramadhan, dont seulement quelques heures nous séparent, fait que bon nombre de concitoyens sont désormais sollicités malgré eux à rompre avec ce rythme de vacances au profit d'un changement d'habitudes plus accommodées avec l'avènement du mois sacré. Et dans cette transition, il se trouve que les plages seront reconsidérées dès demain comme étant des endroits infréquentables. «Probablement, c'est aujourd'hui mon dernier jour de baignade. Il se pourrait que demain vous me trouverez encore là car, en toute sincérité, je ne pense pas qu'il existe parmi tous ces estivants un second être qui aime la mer autant que moi.» Ces propos sont de Mohamed, la quarantaine, résidant dans la localité de Bouzaréah. Nous l'avons rencontré sur la plage de Sidi Fredj en train de se prélasser au soleil et accompagné des membres de sa famille. Ce féru de la nature qui a un penchant pour la grande bleue est un habitué des lieux. «Sidi Fredj est l'endroit que je préfère le plus, c'est ici que j'ai l'habitude de me rendre à chaque fois que je suis en congé», nous explique-t-il. Questionné au sujet du Ramadhan qui arrive à grands pas, il nous répond qu'il est quelque peu contrarié du fait qu'il est contraint lui et sa famille à ne plus fréquenter la plage. Si le Ramadhan était repoussé de quelques jours ! «Aujourd'hui est peut-être mon dernier jour de plage. Mais ceci est loin d'être une décision définitive. Cela dépend de quoi va accoucher la réunion du comité d'observation du croissant lunaire. Si le Ramadhan est pour samedi, soyez sûr que demain je serai encore parmi les présents dans cette plage», ironise cet estivant, qui aurait tant souhaité que «le Ramadhan soit repoussé de quelques jours, au moins vers la fin de mon congé qui s'achève début septembre», ajoute sur un ton d'ironie notre interlocuteur. Son vœu ne peut hélas être exaucé. Ceci pour la simple et bonne raison que la venue du Ramadhan, au plus tard dans les 48 heures qui suivent, est une donnée irréversible. Ce qui est sûr aussi, c'est que Mohamed et sa famille vont se priver de baignade jusqu'à la prochaine saison estivale. Idem pour Arezki Yahia, inspecteur d'éducation dans l'Algérois, que nous avons rencontré sur la même plage. Ce dernier nous fait savoir qu'il n'est point judicieux de se rendre à la plage en plein mois de jeûne. «Il y a des aspects religieux qu'il faudrait prendre en considération. On est musulmans et il est peu commode se rendre en famille à la plage en plein Ramadhan», nous explique M. Yahia, qui venait de quitter la plage de Sidi Fredj pour la retrouver l'année prochaine, selon ses dires. Non loin de lui, on remarque la présence de deux fourgons transformés en gargotes l'espace de la saison estivale. L'idée d'apostropher leurs gérants pour savoir qu'adviendra-t-il de leur profession en période de Ramadhan nous traverse vite l'esprit. Lamine Gueffaf, un restaurateur de Bab El Oued qui gère l'une de ces gargotes, nous répond sans hésiter qu'il prévoit tout simplement de fermer boutique pendant le mois de Ramadhan. «Vous savez, l'écrasante majorité qui a l'habitude de fréquenter la plage de Sidi Fredj vient des wilayas de l'intérieur du pays, entre autres Médéa, Laghouat et Djelfa. Il est certain que ces derniers vont rompre avec cette habitude de louer régulièrement des bus pour rejoindre Sidi Fredj. J'ai moi-même discuté sur le sujet avec eux et leur réponse était telle que je ne pourrai plus les compter parmi ma clientèle dès l'arrivée du Ramadhan», nous explique-t-il. «Vous allez donc fermer boutique», avons-nous interrogé. «Probablement», nous répond M. Gueffaf, qui n'exclut pas de rouvrir sa gargote pendant les veillées de Ramadhan pour commercialiser du thé et autres sucreries. Des restaurateurs saisonniers dans l'embarras M'hidi Hamid, un autre propriétaire d'un restaurant implanté sur l'esplanade faisant face à la plage de Staouéli, atteste que l'arrivée du Ramadhan «a provoqué une rupture brutale de la saison estivale». Il considère que l'arrivée du Ramdhan a totalement chamboulé la saison d'été. «Pour nous, les restaurateurs, les conséquences de l'avènement du Ramadhan étaient palpables bien avant ce mois sacré», a t-il commenté. Se voulant plus explicite, il ajoute qu'en prévision du Ramadhan, sa clientèle a baissé de manière drastique il y a de cela un bon moment déjà. «Les préparatifs du Ramadhan et l'obligation de faire quelques économies pour ce mois sacré font que les gens dépensent peu actuellement, et peu d'entre eux fréquentent notre restaurant», ajoute le jeune Hamid, sans omettre de préciser que ceci se répercute négativement sur son chiffre d'affaires. «Pour ce mois d'août, je ne pense pas que je ferai le moindre profit. Ce qui compte le plus pour moi, c'est de pouvoir assurer le salaire du personnel qui sont au nombre de six», déplore ce même restaurateur. Pour autant, le constat qu'établit notre interlocuteur paraît beaucoup moins grave, comparé à celui que dresse ce vendeur de cigarettes de 48 ans. Il se nomme Fnides Soltane. Il est marié et père de quatre enfants. Sa famille réside à Guelma, et comme dans sa localité il lui a été impossible de dénicher la moindre embauche, il a été contraint d'abandonner sa famille et de se rendre à Alger pour vendre des cigarettes, des gâteaux, du thé et du café sur les plages de l'Algérois. En agissant de la sorte, cela lui permet d'engranger un gain pouvant atteindre les 30 000 DA pour toute la saison estivale. «De quoi assurer la scolarité des enfants à la reprise des cours», nous dit-il. Il affiche une mine dépitée et ce pour la simple et bonne raison que l'arrivée du Ramadhan l'oblige à cesser son activité. Ainsi donc et pour beaucoup de gens avec qui nous avons conversé, le Ramadhan marque indubitablement la fin de la saison estivale. Quant à se baigner à la plage, rendez vous est pris pour la prochaine saison estivale. Faut-il juste ajouter qu'au moment de notre virée au niveau des différentes plages située dans le versant ouest de la capitale, l'affluence des estivants et des familles notamment n'était pas au rendez vous.