fait son entrée dans l'histoire musulmane, à l'époque d'Abou El Mouhadjer Dinar (675-682), compagnon de Okba Ibn Nafaâ, premier commandant arabe à surgir en Afrique du Nord. Devenue musulmane, Constantine tente de garder quelque autonomie par rapport aux nouveaux arrivants. Puis elle finit par intégrer différents royaumes berbères (Fatimides, Hammadites, Mérinides), avant de passer sous l'influence de Tunis avec les Hafsides vers le milieu du XIIIe siècle. A quelle date les Turcs firent-ils leur entrée à Constantine ? Beaucoup de confusion et d'imprécisions à ce sujet, mais l'installation des Ottomans se heurta à de vives résistances. Au début du XVIe siècle, Sidi Abdelkrim Lefgoun se trouvait à la tête des partisans (notables et bourgeois surtout) de l'entrée des Turcs à Constantine. Quant au parti hostile aux Turcs, composé essentiellement des couches populaires habitant la partie basse (et défavorisée) de la ville, il était dirigé par cheikh Sidi Abdelmoumen, Emir Errekb, dont la famille avait le privilège de conduire le pèlerinage à La Mecque une fois tous les quatre ans. Abdelmoumen fut tué puis écorché par les Turcs, et la famille Lefgoun se vit octroyer, en récompense, le titre de cheikh el islam. Sous la mouvance ottomane, Constantine s'impose pendant trois siècles comme capitale du beylik de l'Est qui couvre un grand territoire, le plus vaste de la nouvelle Régence d'Alger, de la frontière avec Tunis jusqu'à la vallée de la Soummam. Un grand nombre de beys se succèdent à Constantine, mais peu ont laissé des traces durables de leur passage. Deux sont à citer : Salah Bey qui régna le plus longtemps, de 1770 à 1792 et à qui on doit de grands travaux d'urbanisme, dont la restauration du pont d'El Kantara datant de l'époque romaine, et Hadj Ahmed Bey, de 1826 à 1848, qui laissa son nom dans l'histoire pour avoir lutté sans répit contre les armées françaises, du débarquement de Sidi Fredj en 1830, aux montagnes de l'Aurès en 1848. Quatre portes pour protéger la ville Comme c'est le cas pour toutes les villes musulmanes, on accède à Constantine par quatre portes : Bab J'did, Bab El Oued, Bab El Jabia (entrée Souika) et Bab El Kantara (entrée du pont du même nom). Un faubourg existait qui s'étendait de Bab J'did au pied du Coudiat Aty et où il y avait un cimetière. Ce faubourg, construit à l'époque de Salah Bey (1770-1792), comprenait des boutiques et des magasins, et faisait fonction de marché de gros à l'extérieur de la ville. Pour des raisons stratégiques, le faubourg a été entièrement rasé en 1837 sur ordre de Hadj Ahmed Bey. Un seul pont existait en 1837, celui de Bab El Kantara, qui avait été restauré par Salah Bey. Tout naturellement, le Rocher ne pouvant abriter un accroissement notable de la population, des faubourgs furent construits à l'extérieur, le premier étant le faubourg Saint Jean. Et c'est ainsi que la ville a repris peu à peu le développement dont elle jouissait dans l'antiquité, au moment où elle comptait près de 100 000 habitants. Si l'on comparait le plan du tissu urbain du Rocher en 1984, avec celui de la ville en 1837, on constaterait que la partie haute de la ville (Casbah, Tabia) a subi de grandes transformations avec des voies nouvelles et des rues alignées ou rectifiées, tandis que la partie basse a gardé le même tracé de rues (Souika), ou un tracé à peine modifié (Souk El Ghzel, R'sif, Rahbat Essouf, Sidi Jliss). Cela s'explique par la promulgation d'une ordonnance le 9 juin 1844 qui coupait la ville en deux quartiers : indigène et européen. L'ordonnance interdisait aux Européens de s'installer dans le quartier indigène. Si bien que les transactions foncières, ainsi que les confiscations de propriété n'ont touché que le quartier européen (la partie haute de la ville actuelle, Casbah, Tabia), les musulmans étant peu à peu refoulés dans Souika, Rahbat Essouf, Sidi Jliss, Souk El Ghzel, El Djezarine, R'sif. La frontière entre les deux quartiers ayant été délimitée par la rue de France, les travaux d'urbanisme n'ont donc concerné que le quartier européen, avec toutefois une grande percée à travers l'îlot musulman, coupant le quartier indigène en deux. Préserver les traditions ancestrales Au détour de toutes ces transformations, Constantine dut résister aux «agressions» par la préservation de quelques traditions ancestrales : la religion, la langue, la musique andalouse, la gastronomie constantinoise et la gandoura en velours brodée d'or que les Constantinoises portent toujours lors des fêtes de mariage. Ce ne fut pas tout : l'héritage culturel arabo-musulman fut mis en valeur par de nombreuses «associations musulmanes» – surnommées ainsi par l'administration coloniale – qui étaient très actives durant les années 1930. Durant cette même époque, Abdelhamid Ben Badis (1889-1940), illustre Constantinois imprégné d'une foi profonde et d'un désir ardent de sauvegarder les valeurs arabo-musulmanes, se dressa face aux tentatives d'acculturation dont étaient victimes les Algériens musulmans, et entreprit un mouvement réformiste et d'émancipation visant à débarrasser la pratique de l'islam de toutes les scories qui l'avaient dénaturée au cours des siècles. Aujourd'hui encore, toute tentative d'aménagement urbain doit obligatoirement s'efforcer de préserver le type algérien traditionnel, sous peine d'effacer trois millénaires de notre histoire. Les ruelles, les impasses, les passages voûtés, les placettes, les fontaines, les mosquées, les maisons avec cour intérieure constituent autant d'éléments caractéristiques de notre personnalité et de notre civilisation millénaire. Explorer l'histoire de Constantine, Cirta à l'origine, revient à parler des origines de l'Algérie… En effet, Constantine symbolise la permanence de l'Algérie depuis l'antiquité. C'est l'une des plus vieilles villes du monde. Toutefois, la date exacte de sa fondation n'a pas été établie à ce jour. L'impossibilité d'effectuer des fouilles archéologiques au cœur de la vieille ville, site occupé en permanence depuis 25 siècles au moins, en vue d'exhumer la plus ancienne couche urbaine, explique cette carence dans la datation.