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Un SNMG à plus de 30 000 DA est-il possible ?
Un SNMG à 12000 DA est dépassé» Entre calculs et attentes SNMG Mustapha Mekidèche, vice-président du Cnes et consultant En attendant les résultats de la nouvelle étude sur les salaires
Publié dans Le Temps d'Algérie le 30 - 08 - 2009

La revalorisation des salaires, qui sera décidée lors de la prochaine tripartite, pourra-t-elle contribuer à l'amélioration du pouvoir d'achat des ménages ? Plusieurs syndicalistes ne sont pas optimistes et estiment que l'augmentation du salaire national minimum garanti (SNMG) de 2006 «n'a pas été ressentie par les travailleurs». Le sentiment d'appauvrissement chez les travailleurs gagne du terrain d'année en année.
Lequel sentiment ne s'est pas dissipé, même avec l'amélioration de la situation économique du pays et les augmentations de salaires décidées en 2006, lors de la réunion tripartite gouvernement-UGTA-patronat.
«Il est important de s'interroger sur la relation prix-salaires-productivité d'une part, de s'interroger surtout sur la manière la plus saine et la plus efficiente de préparer, dans les faits, l'instauration d'une telle relation afin d'assurer une croissance et un développement durables», a remarqué le Conseil national économique et social (Cnes) dans son dernier rapport national sur le développement humain.
Cette institution a recommandé de «rompre avec la relation de forte dépendance du pays vis-à vis des hydrocarbures, diversifier son économie, renforcer les structures productives».
70% des fonctionnaires endettés
Or les travailleurs réclament «un salaire décent» qui leur permettra de boucler leurs fins de mois sans recourir, forcément, à l'endettement. Selon une étude sur la vie socioprofessionnelle des travailleurs de la Fonction publique, réalisée par le Syndicat du personnel de l'administration publique (Snapap), le taux d'endettement des fonctionnaires est de 76% en 2008. Ce taux est en hausse, puisque le Cnes l'avait situé à 68,2 % en 2006.
Pour évaluer le SNMG, qui permettra de couvrir toutes les dépenses indispensables, plusieurs organisations syndicales ou professionnelles ont tenté de le déterminer.
Cette évaluation reste difficile à concrétiser, reconnaît-on, puisque d'autres paramètres conditionnent cette revalorisation, comme le taux d'inflation, de la productivité, de la croissance. L'augmentation des prix des produits alimentaires constitue le poste le plus important en termes de dépenses du fait qu'il lui est consacré plus de 54% du budget familial, selon les deux études réalisées par l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) pour les années 2003 et 2005.
Bien que les confédérations patronales soient favorables pour l'augmentation du SNMG, elles estiment, toutefois, que «le recours à la compression des charges salariales constitue l'ultime moyen de faire face à la rude concurrence exercée par les produits importés».
La Confédération algérienne du patronat (CAP), par exemple, pense que l'augmentation du SNMG permettra de «renforcer le pouvoir d'achat des citoyens». Cette organisation patronale souligne par contre le manque de visibilité pour pouvoir calculer le SNMG selon les indices annuels d'inflation. Sans la prise en compte des autres paramètres, la hausse du SNMG ne sera pas d'un grand apport pour les ménages, pensent des économistes.
L'inflation aux aguets
Depuis la revalorisation du SNMG à 12 000 DA en 2006, lors de la tripartite, le taux d'inflation n'a pas cessé de grimper. «La reprise de l'inflation risque d'introduire de nouveaux ajustements au détriment de certains secteurs sociaux», avait alors prévenu le Conseil national économique et social (Cnes) dans son rapport national sur le développement humain 2007.
Et d'ajouter qu'«entre décembre 2005 et décembre 2006, l'inflation a atteint 4,4%, presque le double de la moyenne annuelle, et les prix des produits alimentaires ont enregistré une hausse de près de 9% avec 14,7% pour les produits agricoles frais». Le Cnes avait cité les cas, par exemple, de la pomme de terre qui a enregistré une augmentation de prix de 80,6%, le sucre et les produits sucrés (27,20%) et les légumes avec 12%.
Ainsi, a recommandé le Cnes, «l'aisance financière dont bénéficie aujourd'hui le pays permet de procéder à une amélioration du pouvoir d'achat, nécessaire au demeurant, mais il ne faudrait pas perdre de vue les retournements de tendance du marché, si volatile, des hydrocarbures que l'Algérie avait déjà subis de plein fouet».
Il est admis, selon le Cnes, que «les hausses des salaires ont un caractère inflationniste dès lors qu'elles excèdent les gains de productivité, d'une part, elles ont tendance à se détruire elles-mêmes par l'effet dépressif qu'elles exercent sur l'emploi, d'autre part, car les entreprises, l'économie nationale, ne peuvent supporter indéfiniment une forte
divergence entre les progrès de la productivité et ceux des coûts salariaux, à moins de répercuter ces derniers dans les prix de vente, mais alors, c'est le retour à la case de départ». Mais ce que craint le plus cette institution, c'est le fait que «ce sont les titulaires de revenus fixes (les plus pauvres notamment) qui souffrent du phénomène inflationniste».
Les 15 000 DA de l'UGTA sont déjà dépassés
Le taux d'inflation a dépassé 6% au cours du premier semestre 2009, ce qui signifie que les 15 000 DA réclamés par l'UGTA sont déjà dépassés, avant même la tenue de la tripartite prévue après la rentrée sociale. Selon le Snapap, les prix ont augmenté de 200%, alors que les salaires n'ont évolué que de 20%. Ce qui signifie que les pouvoirs publics doivent songer à d'autres solutions pour freiner cette dégradation du pouvoir d'achat.
Des exonérations et des abattements de l'impôt sur le revenu global (IRG) sont donc indispensables. Après ceux décidés dans le cadre de la loi de finances 2008, de nouvelles baisses de l'IRG devraient être envisagées, souhaitent des syndicalistes.
Le maintien d'un seul et même barème pour l'IRG après une augmentation du SNMG n'aurait pas d'impact significatif sur le pouvoir d'achat, car le différentiel gagné suite à cette augmentation des salaires est quasiment absorbé par le maintien des mêmes taux de l'IRG.
Et les salaires en dessous de 12 000 DA ?
Par ailleurs, des mesures doivent être prises également pour garantir l'application de la revalorisation, car il est, malheureusement, constaté que des centaines de travailleurs continuent à percevoir un salaire inférieur à 12 000 DA. Parmi eux figurent des enseignants, des pharmaciens, des ingénieurs, des techniciens et des artisans.
Ces personnes exercent, principalement, au niveau du secteur privé ou de l'informel qui proposent des salaires parfois inférieurs à 8000 DA.
Cela étant, tout le monde s'accorde à dire que l'augmentation des salaires provoquera une inflation dans un temps proche. La raison est que cette revalorisation entre dans la composition des prix. Et ce rehaussement du niveau général des prix rend de nouveau l'augmentation des salaires sans beaucoup d'effets sur le bien-être des individus.
Cette situation est appelée, selon les économistes, «l'illusion monétaire». Cette revalorisation salariale n'est en fait qu'une solution de rattrapage, estiment les syndicalistes, en attendant le total démantèlement de la grille des salaires et des statuts particuliers, qui doivent tenir compte des indicateurs économiques et donc de la rentabilité.
Karima Sebaï
Mustapha Mekidèche, vice-président du Cnes et consultantUn SNMG à 12000 DA est dépassé»
L'augmentation du salaire dépend désormais «de la typologie de la famille du salarié et du taux de l'inflation», pense Mustapha Mekidèche, vice-président du Cnes et consultant. Dans cette interview, cet expert estime qu'il est indispensable de mettre en place des syndicats
de branches patronaux et syndicaux pour pouvoir organiser les négociations salariales sur des bases communes.
Le Temps d'Algérie : L'UGTA prépare actuellement une nouvelle étude relative au «budget vital d'une famille», au moment où d'autres syndicats à l'instar du Syndicat du personnel de l'administration publique (Snapap) ont réalisé leurs propres études sur les salaires. A votre avis, quel est le niveau de salaire qui permettrait à une famille de subvenir à ses besoins élémentaires (alimentation, santé, loyer, transport et scolarité) ?
Mustapha Mekidèche : C'est l'une des premières missions de l'UGTA de mesurer l'évolution du pouvoir d'achat des salariés pour préparer ses dossiers de négociations salariales respectivement avec les pouvoirs publics et les employeurs public et privé. Ce n'est pas la première fois qu'elle le fait.
Les syndicats autonomes en font également de même. L'un des premiers objectifs d'un tel travail est de valider les plages de négociations du SNMG proposées par les syndicats lors de leurs négociations.
Dans tout cela on annonce que le taux d'inflation sera autour de 4,5% pour 2009, ce qui n'est pas une mauvaise nouvelle. Pour revenir à la deuxième partie de votre question, cela dépend de la typologie de la famille du salarié et du taux de l'inflation justement. Il est clair que le niveau du SNMG à 12000 DA est dépassé.
Je vous rappelle simplement que l'on a oublié que pendant longtemps l'UGTA revendiquait en matière salariale l'échelle mobile des salaires reliée d'abord au niveau d'inflation.
Il a été constaté que la revalorisation du SNMG à 12 000 DA en 2006 n'a pas eu de répercussions positives sur les ménages. Quels sont, à votre avis, les autres facteurs déterminants pouvant contribuer à l'amélioration du pouvoir d'achat ?
Je voudrais nuancer quand même votre jugement, il n'y pas eu suffisamment de retombées positives en rapport avec les besoins nouveaux des ménages dont la référence de modèle de consommation est à juste titre de plus en plus proche de celle des pays émergents. C'est d'ailleurs l'ampleur de ce marché intérieur qui explique en partie les réactions de nos fournisseurs traditionnels sur «le protectionnisme» des dernières mesures.
Mais je vous concède qu'il y a d'autres facteurs à prendre en compte. En général, les ménages algériens considèrent que l'accès au logement, voire à la propriété de ce dernier est la priorité. Vient ensuite l'acquisition d'un véhicule.
Il est évident que les dispositifs de crédit mis en place à cet effet ont réduit les revenus des ménages pour le reste, c'est-à-dire l'alimentation, l'éducation des enfants, les vacances et les loisirs par exemple.
C'est cela qui explique en partie les revendications fortes de révision des salaires. C'est pour cela que je trouve intéressante l'idée de l'UGTA de reconsidérer la possibilité d'accorder des prêts à la consommation de biens durables fabriqués en Algérie, sachant que les prêts pour le logement sont toujours en place.
C'est tout cela, avec évidemment l'évolution de la productivité qu'il faudra intégrer comme variables si l'on veut traiter le problème complexe des salaires de façon approfondie.

La revalorisation des salaires en Algérie a été souvent sujette à controverse, entre ceux qui plaident pour une augmentation selon le principe de la productivité du secteur économique et ceux qui estiment que les moyens financiers sont disponibles pour se le permettre. Dans quel contexte devra intervenir l'augmentation des salaires, selon vous ?
Je crois qu'il faut bien séparer entre les différents types de salariats qui ne renvoient pas aux mêmes logiques de fixation et de négociations salariales.
S'agissant de l'administration et de la Fonction publique de façon plus générale, l'Etat en tant qu'employeur négocie et fixe le statut général et les statuts particuliers des fonctionnaires incluant évidemment les salaires.
Les acteurs sont identifiés et les agendas convenus. Pour la sphère marchande, il est clair que les salaires vont dépendre non seulement de la productivité mais aussi des niveaux de taux de profits des branches respectives.
Les moyens financiers peuvent être disponibles, voire excédentaires pour certaines branches d'activités (énergie, banques, télécommunications par exemple), mais aussi insuffisantes pour d'autres branches en difficulté (industries manufacturières par exemple).
D'où l'intérêt de mettre en place des syndicats de branches (publics et privés confondus) patronaux et syndicaux de sorte à organiser les négociations salariales sur des bases communes, même si les positions peuvent diverger au départ.
Dernier point, il faut rappeler que les pouvoirs publics ne fixent en principe que le SNMG et les salaires des fonctionnaires, tout le reste devrait être du ressort des négociations salariales de branches entre les partenaires sociaux.
La mise en place sur le terrain de ce dispositif, que les lois sur les relations de travail ont prévu, éviterait par exemple les pertes de compétences d'employeurs publics au profit d'autres employeurs de la même branche d'activités. Ce qui n'est rien d'autre qu'une concurrence déloyale. Mais c'est toute l'urgence pour l'économie algérienne de disposer d'un marché du travail souple et efficace qui est en vérité posée.
Karima Sebaï
En attendant les résultats de la nouvelle étude sur les salaires Un SNMG à plus de 30 000 DA est-il possible ?
L'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) s'attelle actuellement à préparer la 3e étude sur le budget vital d'une famille. Cette organisation a déjà réalisé, en 2003 et en 2005, deux autres études sur le pouvoir d'achat qui ont été utilisées lors des tripartites pour définir l'augmentation du salaire national minimum garanti (SNMG).
Ce dernier est passé à 10 000 DA en 2004 et à 12 000 DA en 2006. Pour les deux premières études, l'UGTA a axé ses enquêtes sur un ménage de sept personnes, en référence au recensement général de la population (GPRH) de 1998 selon lequel la taille du ménage est de 6,6 personnes.
L'on s'attend pour cette troisième étude à ce que la taille du ménage soit révisée à la baisse (6 personnes au lieu de 7), si on se réfère au GPRH 2008 qui avance que le nombre moyen de personnes par ménage est de 5,9.
Pour les postes de dépenses, les études de l'UGTA se sont intéressées aux budgets consacrés notamment à l'alimentation, au logement, à l'habillement, à l'hygiène et aux soins.
Budget vital d'une famille
En conclusion, l'UGTA a évalué «le budget vital d'une famille de sept personnes» pour 2003 à 22 970,35 DA et de 24 790,85 DA en 2005. Selon les explications de l'UGTA, il s'agissait d'«études normatives des besoins incompressibles d'une famille de sept personnes».
La liste des besoins a porté sur 164 postes de dépenses comportant une variété de biens et de services dont les prix sont les plus accessibles. Cependant, l'UGTA a reconnu que «le budget vital d'une famille est loin d'être exhaustif» dans les deux études de 2003 et 2005.
«Il s'agit du revenu minimum indispensable» qui devait être perçu régulièrement par cette famille type pour faire face dignement à ses besoins essentiels habituels et réguliers».
Même si l'UGTA a reconnu qu'un SNMG à 25 000 DA ne constituait qu'une bouffée d'oxygène en 2006 déjà, la situation en 2009 est toute autre puisque le taux d'inflation a dépassé les 6% et le mode de consommation des ménages a nettement changé. En plus clair, le SNMG devra dépasser de loin 25 000 DA pour pouvoir parler, un tant soit peu, d'une éventuelle amélioration du pouvoir d'achat.
C'est ce que pense, par exemple, le Conseil national autonome des professeurs d'enseignement secondaire et technique (Cnapest), qui tire la sonnette d'alarme quant à la sensible dégradation du pouvoir d'achat des enseignants du secondaire. Ce syndicat réclame le relèvement des salaires à un niveau minimum de 100 000 DA. Le dossier des salaires en Algérie a intéressé également des organismes étrangers comme le cabinet américain de consulting Watson Wyatt.
En partenariat avec la Chambre française de commerce et d'industrie en Algérie (CFCIA), ce cabinet a réalisé une enquête sur les rémunérations et a utilisé comme échantillon 50 entreprises dont 88% sont des filiales de succursales et de filiales internationales agissant en Algérie. Cette étude conclut que «les salaires et les rémunérations pratiqués par les sociétés étrangères en Algérie restent à la traîne par rapport aux pays voisins».
Le salaire d'un fonctionnaire de grade 13 en Algérie est d'environ 100 000 DA, alors qu'il est de 150 000 DA en Egypte. Les salaires en Algérie sont inférieurs à ceux pratiqués au niveau des pays voisins, s'accordent à mentionner des économistes.


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