En interdisant l'importation du matériel et d'engins de travaux publics d'occasion, l'Etat vient de mettre un terme à un marché juteux qui a profité pendant de longues années aux pays émetteurs. Les industriels et les concessionnaires de marques internationales activant dans cette branche s'offrent ainsi une occasion en or pour réinvestir le terrain. En 2008, la facture des importations des engins et des véhicules destinés au transport de marchandises avait atteint 2,3 milliards de dollars. Les besoins en bulldozers, grues et chariots élévateurs ont valu en 2008 une enveloppe de 671,31 millions de dollars, selon les chiffres du Centre national de l'informatique et des statistiques (Cnis). La facture des véhicules destinés au transport de marchandises a été, quant à elle, de l'ordre de 1,7 milliard de dollars pour la même période. Comparativement à l'année 2007, l'évolution enregistrée a été de 42% uniquement pour l'importation des engins de travaux publics, passant de 365,89 millions à 671,31 millions de dollars. Ces montants concernent l'ensemble du matériel importé, y compris celui dit d'occasion. L'Algérie est devenue au fil du temps un véritable dépotoir de matériels roulants, provenant notamment des pays européens profitant de l'absence totale de réglementation en la matière. Selon certaines sources, des opérateurs ont importé des quantités importantes de matériel d'occasion ne servant parfois à rien, à l'exemple de nacelles et de matériels de levage réquisitionnés pour la plupart dans les ports commerciaux en raison du refus de la Banque d'Algérie de valider le transfert de devises. Ce phénomène a été également constaté dans l'importation de camions ne répondant à aucune norme européenne en matière de circulation. Ces moyens présentent aujourd'hui de réels dangers sur la santé et la sécurité des citoyens. Ils mobilisent également des ressources financières qui pouvaient bien être engagées dans l'acquisition de matériels neufs au grand bénéficie de l'économie du pays. Les facturations établies par les opérateurs des pays émetteurs sont souvent opaques ne reflétant pas la valeur réelle de l'engin, tiennent à signaler des professionnels du secteur connaissant les soubassements de ce commerce. Une véritable anarchie régnait donc dans ce commerce, ce qui a permis à certains de profiter sans se soucier des intérêts de la collectivité. Une grande société spécialisée dans l'importation de matériels de travaux publics a été dissoute, il y a une année, à Alger, après que les autorités du pays ont eu à constater que les propriétaires étaient plutôt versés dans le pillage des ressources en devises en important un matériel surfacturé et défectueux. L'intervention de l'Etat Face à cette situation, l'Etat a décidé de sévir en interdisant définitivement l'importation de ces engins dans le sillage de l'expérience qui a été menée pour le véhicule du tourisme d'occasion, soumis également à une interdiction pure et simple. Réagissant à cette décision, l'Union maritime et fluviale de Marseille-Fos a souligné dans un récent communiqué l'effet de cette interdiction d'importation d'engins de travaux publics d'occasion, instituée pour rappel dans le cadre de la loi de finances complémentaire pour 2009, qu'il s'agit d'une véritable menace sur «la pièce maîtresse des échanges algéro-français». En revanche, des industriels locaux ont salué cette décision «qui devait être prise depuis longtemps, au vu des conséquences financières et humaines très graves». En effet, le PDG de la Société nationale des véhicules industriels (SNVI), Mokhtar Chahboub, joint hier à ce sujet, n'a pas caché sa satisfaction. «Nous avons droit à un parc neuf et un matériel de qualité, surtout que les projets de l'Etat sont immenses et nombreux s'étalant sur plusieurs années. Il fallait agir car le matériel roulant importé ne répondait plus aux normes requises en Europe. Il est inacceptable de commercialiser un matériel aussi obsolète en Algérie», avoue-t-il, persuadé que les potentialités et les capacités existent au niveau local pour faire face à la demande. Des marques internationales sont représentées, à l'instar de Man, Volvo et Caterpillar, aux côtés d'entreprises nationales de matériels de travaux publics (ENMTP) ainsi que des sociétés privées investies dans le montage et la fabrication du véhicule industriel. Un autre professionnel du secteur ayant requis l'anonymat partage cet avis en ajoutant que les moyens roulants neufs sont expédiés avec des certificats d'origine et subissent le contrôle qualité chez l'ingénieur des mines, contrairement aux engins d'occasion où il serait difficile de procéder à une expertise rigoureuse. «Je suis pour l'interdiction d'importation de matériel usagé, sauf si le commerçant peut prouver avant l'importation du bon usage de ce moyen ou de l'inexistence sur le marché local d'un tel équipement», tient à relever cet opérateur. En attendant, il faut dire que cette interdiction a fait réagir les opérateurs français qui, en 2008, redoutaient déjà la mise en œuvre de cette décision.