La présidente est si proche de ses dossiers qu'il lui arrive d'avoir en face d'elle des justiciables qui vont droit au but. Et c'est ainsi que la célérité de la justice marche. Amirouche aime aller vite en rendant justice avec beaucoup d'à-propos surtout que ce dossier de flagrant délit était clair. La salle d'audience est pleine à craquer en ce beau mardi de la fin du mois. Saïd, le policier en charge du maintien de l'ordre sur les lieux, ne tient pas en place. Il a aujourd'hui une trentaine de détenus dont plus de la moitié sont poursuivis à cause et pour la... drogue. Le flagrant délit est là et personne n'y peut rien, car ce même flagrant délit est une... arme qui accélère la célérité qui fait souvent défaut à la justice. Il est neuf heures pétantes lorsque Nadia Amirouche, la juge de la correctionnelle de Hussein Dey, juridiction qui relève de la cour d'Alger, débute le rôle par le procès en opposition. Elle les liquide en moins de quatre-vingt-dix minutes. Sitôt arrivés, les détenus vont défiler à la barre à un rythme effréné surtout qu'outre la bienveillance de la présidente s'ajoute la vigilance de Zahia Houari, la représentante du ministère public venue combler la place désertée par Abdelkrim Bouderali, monté à Saïd Hamdine pour siéger sur le tas au tribunal de Bir Mourad Raïs. A l'appel de leurs noms, les trois détenus s'avancent ainsi que la victime au poignet bandé et à l'œil au beurre noir. - «Vous, Walid mettez-vous à côté de Ouali et Amine», suggère la magistrate qui s'aperçoit qu'Islam, la victime, a su se placer vis-à-vis du tribunal et des adversaires. - «Nous allons gagner du temps. Qui a donné un coup de poing à la victime et qui en a asséné un autre poignet ?», articule Amirouche, décidée à aller au pas de charge devant tant d'évidence. Les trois frères inculpés détenus lèvent la main. «Ouh là, là, c'est vous trois ?», dit étonnée la juge qui se demande si cette manière consiste à partager le délit et le verdict. «Si c'est cela, vous perdrez votre temps !», tonne la présidente qui aura alors le loisir – et le plaisir – de voir les trois inculpés se mettre à table un à un : c'est Amine qui reconnaîtra le premier avoir donné un coup de tête à Islam qui avait manqué de respect au cadet, Walid. Ouali, lui, dit n'être intervenu qu'à l'issue de la rixe et d'ajouter : «Arrivé sur les lieux, j'ai vu Islam donnant des coups à mon frère. Je me suis jeté sur lui pour les séparer ! Et c'est à ce moment-là que le poignet d'Islam a reçu tout mon poids lorsque je l'ai renversé au moment où mon frère avait réussi à se relever !», dit sans concession Ouali. Walid, lui, ne fera que confirmer les deux premières versions et va sauver la mise en prenant par les épaules Islam. «Frère (kho) nous sommes des voisins et le diable nous a dressés les uns contre les autres. Excuse-nous. Tu ne le regretteras pas car depuis trois nuits nous ne dormons plus.» Amirouche apprécie, le montre sur son visage jovial mais ne le dit pas, et c'est Houari, la procureure, qui va dire sa joie que la réconciliation soit à l'ordre du jour ce mardi. «Le parquet prend acte du remords», balance-t-elle avant de requérir une amende juste après qu'Islam eut annoncé son désistement : «Leurs parents sont venus me voir à la maison. Ils m'ont payé les frais occasionnés. Je ne demande rien d'autre.» Cela va suffire à la juge de décider sur le siège en infligeant une amende de dix mille dinars pour les trois frangins.