Les géographes arabes font mention de Mostaganem, petite ville située dans le fond d'un golfe, entourée de murailles, avec des bazars, des bains, des jardins, des moulins à eau, mais ils ne disent rien de précis quant à la fondation de cette cité. On attribue à Youssef Ibn Tachfin, l'Almoravide, la fondation de Bordj El Mehal, l'ancienne citadelle de Mostaganem, aujourd'hui convertie en prison. Youssef y régna de 1061 à 1106 Mostaganem tomba au pouvoir des Mérinides en 1200. L'un d'eux, Abou Eïnan, fit construire la mosquée en 1342. Il est à remarquer que, depuis l'expulsion des Morisques d'Espagne, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, Mostaganem fut, après Tlemcen, la ville la plus importante du beylik de l'Ouest. Son histoire est intimement liée à celle des luttes qui mirent aux prises les Turcs d'Alger avec les Espagnols d'Oran. Mostaganem, en effet, de par sa situation géographique, fut toujours une base d'attaque contre Oran pour un ennemi venant de l'est, et une base d'opérations contre Alger pour un agresseur parti de l'ouest. La ville passe, en 1516, sous la domination des Turcs. Elle fut alors agrandie et fortifiée par Kheireddine. En 1551, Mohamed El Haran, fils du chérif Mohamed El Mehdi, sultan du Maroc, s'empare de Mostaganem, d'où il poursuit sa marche sur Alger. Mais il est arrêté, sur les bords du Chélif, par Hasan Corso qui le bat et reprend la ville. Cinq ans plus tard, en 1556, le même Hasan Corso, marchant sur Oran, concentre ses forces à Mostaganem, où sa flotte débarque artillerie, vivres et munitions. En 1563, Hasan Pacha, préparant le fameux siège de Mers El Kébir, fait également de Mostaganem sa base d'attaque et y réunit ses forces de terre et de mer. En 1568, Euldj Ali, se disposant à mettre le siège devant Oran et à faire ensuite une descente en Espagne pour seconder une rébellion des Morisques qui s'y préparait, dirigea une armée de 14 000 mousquetaires et de 60 000 auxiliaires indigènes sur Mazagran et Mostaganem, où il avait envoyé d'avance des canons et 14 000 chameaux chargés de poudre. Il suffit de ces quelques exemples pour expliquer les trois tentatives que fit le comte d'Alcaudète pour s'emparer de Mostaganem. En 1589, un soldat du château de Santa Cruz déserta et se rendit auprès du gouverneur de Tlemcen, le caïd Ali, auquel il annonça, pour se faire bien accueillir comme porteur d'une nouvelle d'importance, que le gouverneur d'Oran faisait des préparatifs pour aller, sous peu de jours, emporter Mostaganem par escalade. Le caïd envoya aussitôt, de la garnison de Tlemcen, 120 janissaires et prit dans le château de Mascara tous les Turcs qu'il put trouver. Il arriva, à Mostaganem, le 7 mars 1589 et y réunit tous les gens de guerre des bourgs et des campagnes. Ceux-ci restèrent de garde dans la ville et ne s'aperçurent qu'au bout de 17 jours qu'ils avaient été mystifiés. Mostaganem, le siège du vilayet et haut centre intellectuel Quand Oran, tombée au pouvoir des Turcs en 1708, eut été reprise en 1732 par les Espagnols, Mostaganem fut le siège du vilayet, successivement sous les beys Bouchlaghem, Youssef, Mustapha Lahmar. Elle fut, dans le même temps, un centre intellectuel hautement estimé. Une tradition veut qu'à certaines époques, quand le vent soufflait de Mostaganem, les habitants de Mascara, gravissant avec leurs enfants l'une des montagnes dominant leur cité, plaçaient leur progéniture, le visage tourné vers Mostaganem, pour leur faire respirer, avec ce souffle béni, les émanations de la science et de la vertu dont la ville était le séjour. Lors de l'expédition d'O'Reilly contre Alger, en 1775, alors que les beys de l'Est et du Titteri avaient amené tous leurs contingents pour combattre les Espagnols, le bey de l'Ouest, Ibrahim, resta en observation auprès de Mostaganem, que l'on craignait de voir enlevée par les gens d'Oran. Seul son khalifa, à la tête de 4000 cavaliers de Douairs, vint renforcer, sous les murs d'Alger, la mahalla du khazbadji. Mostaganem et les villes proches, le centre d'un commerce florissant Si les Espagnols renoncèrent à prendre Mostaganem, ils ne négligèrent pas d'y entretenir, constamment, des intelligences. Ils avaient à leur solde des agents de renseignements, juifs pour la plupart, et des «Moros de paz» (Maures de paix) qui venaient fréquemment à Oran pour y vendre des marchandises et apporter des renseignements qui leur étaient bien payés. Ces espions indigènes se livraient à l'occasion au «ter'tis» ou enlèvement des musulmans isolés qu'ils capturaient et venaient vendre comme esclaves à Oran. Quelquefois, le caïd de Mostaganem lui-même fournissait les informations. On voit, en juin 1852, l'auteur de Don Quichotte, Cervantès, apporter au roi d'Espagne des lettres du capitaine général, contenant des renseignements donnés par le caïd sur «l'état de la province, les tribus et les affaires d'Alger». Malgré ces tribulations, attirées par la fertilité du sol, de nombreuses familles maures vinrent d'Espagne se fixer sur le territoire de Mostaganem. De grandes exploitations agricoles furent entreprises. La culture du coton fut importée avec succès. Les villes de Mostaganem, de Tigditt et de Mazagran comptaient, vers la fin du XVIIIe siècle, une population d'environ 40 000 âmes. Elles étaient le centre d'un commerce florissant. Cette situation se prolonge jusqu'au début du XIXe siècle, époque à laquelle toute la région est violemment troublée par les difficultés causées à la domination turque des beys d'Alger par le sultan de Fès. Les Hachem de Mahieddine El Moktari, mokaddem des qadiria, les congrégations chérifiennes des derkaoua et des tidjania sont en tête du mouvement. La nouvelle du succès des troupes du maréchal de Bourmont, entrées le 5 juillet 1830, dans Alger des beys turcs est à peine répandue dans le pays que l'on apprend l'arrivée, à Tlemcen, le 17 novembre 1830, du corps expéditionnaire de Moulay Ali, neveu du sultan. Ses émissaires secrets parcourent le Chélif et poussent jusqu'à Médéa. Le caïd Driss adresse une proclamation aux habitants de Mostaganem et d'Arzew et, à la tête d'une partie du «gueich» marocain, entreprend la soumission des tribus des Douairs et Smelas qui n'avaient pas encore apporté leur «beïa» au khalifa du sultan. A l'ombre, grandissait l'émir Abdelkader Dans les jardins verdoyants de la guethna de l'oued Hamman, grandissait le fils du mokaddem des qadiria, Abdelkader Ben Mohieddine, celui qui devait, quelques mois plus tard, devenir «amir el mouminin» (commandeur des croyants). Le père, récemment promu à la dignité de khalifa du sultan, se sentait trop vieux pour continuer la lutte. Une «apparition», à Sidi Laradj, montra un trône, émergeant d'une foule de sièges vides, et destiné à El Hadj Abdelkader Ould Mohieddine. Le 21 novembre 1832, au milieu des tribus, rassemblées à Ersebieh, aux portes de Mascara, il le fait proclamer sultan. Diplomate avisé, Abdelkader se contente, pour l'instant, du titre d'émir et de succéder à son père comme khalifa du sultan. Dès sa prise de commandement, le jeune chef devait se heurter à de graves difficultés : rivalités personnelles, envie et jalousie. Le Turc Ibrahim, entre autres, s'intitule bey de Mostaganem. Mohamed Ben Tahar, ancien éducateur de l'émir, entretient à Arzew des relations avec les chefs français d'Oran. Dans le Chélif, Si El Aribi repousse dédaigneusement le «hachem de zaouïa». Les Angad, avec El Ghomari, les Ouled Sidi Cheikh, les tidjania tirent de leur côté. La ténacité de l'émir triomphe de ces défections et, dès avril 1833, celui-ci commence à harceler les Français jusque dans les faubourgs d'Oran.