De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Le mois de carême est un mois de confirmation de la foi en Dieu unique et de consécration des principes fondateurs de fraternité, de solidarité et de conciliation entre les personnes et les groupes d'individus dans le strict respect de la tradition religieuse de la région de Kabylie. C'est ce que continue de faire dans la discrétion les responsables de la zaouïa de Sidi Bahloul u âasem de cheurfa n Bahloul à Azazga, à une quarantaine de kilomètres à l'est de Tizi Ouzou. Les polémiques médiatiques actuelles entre les différents protagonistes sur le niqab et les dessins d'un livre de théologie paru récemment représentant l'époque du prophète des musulmans n'ont visiblement pas leur place ici sinon elles se dérouleraient loin des oreilles de la communauté religieuse qu'abrite le mausolée du saint des lieux. Ici on s'occupe principalement de transmettre par la lecture et l'écrit le Coran par des voies traditionnelles (dourous «cours» par exemple) et de faire dans les actions sociales de «conciliation, d'entraide et de rassemblement entre frères de la même religion». Il y a quelques jours, une plainte a été retirée des mains des services de sécurité et de la justice par la suite de l'intervention de la zaouïa qui a réconcilié les parties en conflit, selon l'imam de la zaouïa. Pourtant, la rue, la vox populi, dans la région de Kabylie lui attribue des influences sur la scène publique locale. Ceci est valable pour toute l'année mais si «le Ramadhan n'est pas un mois comme les autres», affirme cheikh Mustapha Taher, imam de la zaouïa et mouderes (enseignant), homme d'un certain âge, bien à l'aise dans son rôle de modérateur et de régulateur d'une institution sensible à laquelle il est presque exclu de pardonner si jamais il venait à sortir du cadre spirituel et des préceptes ancestraux légués par les anciens et hérités de plusieurs générations d'adeptes de la zaouïa. Le Ramadhan célèbre par ses veillées passées dans les cafés maures à jouer aux dominos et aux cartes est ici réservé exclusivement aux activités de prière de Dieu et de consolidation de la foi en l'islam. «Pendant tout ce mois sacré, c'est taraouih (suppléments nocturnes de prière) tous les soirs, en plus des dourous qui se font après le ftour (rupture du jeûne), la récitation du Coran et les dourous sont donnés tous les jours au lieu de trois à quatre fois par semaine durant les autres mois de l'année», nous informe cheikh Mustapha qui précise qu'une «certaine» ambiance ramadhanesque règne sur les lieux et décrispe talebs et visiteurs d'un jour. Le thé, le qalbellouz et la zlabia, gâteaux qui accompagnent habituellement les musulmans dans leur jeûne, s'invitent dans la zaouïa alors que les talebs sont libres de suivre des émissions de télévision, selon le premier responsable de la zaouïa. Les passagers sont accueillis, logis et nourris au moment du ftour et du shour grâce aux dons de bienfaiteurs dont le nombre augmente naturellement en ce mois. La zaouia compte à présent soixante-cinq talebs (étudiants) de différents niveaux de formation et de débouchés avec des concours pour chaque palier ; ces talebs viennent de toutes les wilayas d'Algérie, ajoute l'imam, qui a été étudiant dans cette même zaouïa pendant quatre ans avant de suivre un enseignement de quatre ans au total de ses deux formations à l'institut islamique de Iloula Oumalou dans la wilaya de Tizi Ouzou. Des initiatives de conciliation entre voisins, des affaires courantes de violence entre personnes, des tribus et localités en bute à des conflits fonciers et de propriété «de toutes les wilayas d'Algérie» font appel aux mots raffinés et accommodants inspirés de la tradition des membres de la zaouïa ; une délégation composée d'«orateurs, de personnes éloquentes» se déplacent parfois dans de lointaines contrées pour tenter de «ramener la paix», se félicite le cheikh qui n'omet pas de souligner que la zaouïa qu'il dirige est «très considérée et respectée par les personnes du domaine, les imams, les talebs et toutes les institutions qui travaillent avec nous» ; elle a un poids au sein de notre arch, celui des At Ghobri et détient un grand respect dans les villages de Kabylie et dans toute l'Algérie». Il soulignera au passage les «meilleurs rapports» qui existent entre la zaouïa de Sidi Bahloul et la direction des affaires religieuses et des waqfs. «Nous travaillons en collaboration avec le directeur des affaires religieuses, nous nous réunissons pour parler de la situation des zaouïas, nous faisons des conférences…», dit-il. Neuf imams de la zaouïa sortiront de la promotion en cours de l'institut de Iloula Oumalou ; seize talebs de la zaouïa officient cette année des séances de taraouih dans les mosquées à Bouira, Boumerdès et Bgayet.