Les premières gouttes de pluie qui se sont abattues sur Oran ont noyé la ville dans des torrents de boue. Cette situation devenue récurrente agace les oranais qui n'ont pas manqué d'exprimer leur courroux à l'endroit des responsables «qui se complaisent dans l'attitude de la cigale qui chante tout l'été pour être prise au dépourvu à l'arrivée de l'hiver», ironise un habitant de la cité «batimate Taliane» dans la commune d'Esseddikia. La ville offrait hier un aspect de désolation. «C'est comme ça chaque année ; les premières pluies font toujours des dégâts. Au lieu de curer en été les avaloirs, on préfère se concentrer sur les festivals et autres réjouissances», dira la mort dans l'âme un habitant d'El-barki dont les enfants ne se sont pas rendus hier à l'école. «Que pouvaient-ils faire alors que la rue que nous habitons était noyée dans la boue?» précise-t-il. Cette situation engendrée par des précipitations qui ont atteint 70 millimètres selon un bulletin météo n'a épargné aucune partie de la ville. Le 3e boulevard périphérique, une voie rapide qui ceinture la ville, était devenu impraticable. Le tronçon au niveau du quartier de Haï Dhaya (ex-Petit lac) était inondé et le rond-point d'El-bahia était devenu inaccessible aux véhicules. Des appartements situés au rez-de-chaussée des cités Batimate Taliane, Z'raâ, Castors et Gambetta ont été envahis par les eaux boueuses. «C'est comme ça chaque année et le problème dépasse aujourd'hui le simple replâtrage. En plus des avaloirs obstrués, c'est le réseau d'évacuation qui est aujourd'hui bouché. Il faut trouver une solution à cet épineux problème qui a failli être à l'origine d'un drame quand un père de famille, excédé par les inondations à répétition de son appartement, avait tenté de se suicider pour attirer l'attention des responsables du secteur d'Essedikkia», affirme un de ses voisins. L'eau a atteint hier 1m20 au niveau de la trémie de la cité Djamel, emprisonnant même des citoyens dans leurs véhicules, ce qui a nécessité la mobilisation des moyens de la protection civile de la commune d'Oran et même de l'entreprise de nettoiement qui n'est pas pourtant équipée pour ce genre de mission, mais qui a quand même apporté son concours pour contrer cette situation d'exception. Plusieurs véhicules dont un semi-remorque chargé d'un conteneur ont été bloqués par les eaux qui ont envahi cette infrastructure. Le quartier d'El-barki qui souffre depuis des années d'un véritable problème d'assainissement s'est retrouvé les pieds dans l'eau dès les premières gouttes de pluie. Les rues de ce quartier partagé où se côtoient des villas cossues et des bâtisses menaçant ruine n'ont pas pu contenir les trombes d'eau tombées du ciel. «Une entreprise avait réalisé, en été, une partie des travaux du réseau d'assainissement, puis elle avait plié bagage parce que l'assemblée populaire communale n'avait pas voté le budget de la seconde tranche... et vous voyez le résultat aujourd'hui», affirme un habitant de ce quartier. A sidi Lahouari et dans les autres quartiers situés en contrebas du centre-ville, la situation n'était pas plus reluisante. Plusieurs habitations sont été envahies par les eaux et la circulation automobile, ralentie par les travaux de réalisation du tramway, a été bloquée durant plusieurs heures de la journée. Oran qui a pataugé hier dans la gadoue, craint aujourd'hui les effondrements du vieux bâti. Les fondations de plusieurs habitations menaçant ruine ont été gorgées d'eau et le risque d'effondrement se trouve multiplié. La ville qui s'apprête à abriter au mois d'avril 2010 la 16e conférence du gaz naturel liquéfié ne mérite-t-elle pas mieux que la journée qu'elle a passée hier ?