Un politologue de renom faisait observer récemment sur un plateau de télévision que tout ce que dit Ben Laden est pure diversion et que tout ce qu'il ne dit pas est d'une extrême importance pour les experts chargés de fournir de la matière grise susceptible d'aider les services de sécurité chargés de la lutte antiterroriste. Parmi les choses que le leader d'Al Qaïda ne dit pas, celle-ci vient immédiatement à l'esprit : son organisation, toute militaire qu'elle est, n'est pas une armée structurée, avec une hiérarchie et des états- majors qui lui obéissent au doigt et à l'œil, avec des actions décidées en haut lieu et exécutées par des troupes disciplinées éparpillées à travers le monde. Non seulement Al Qaïda reste une nébuleuse sans réel projet commun en dehors des motivations idéologiques qui fondent son action, sa prétendue structure organique est une invention de l'esprit, accrochée au seul référent-souvent physique- d'Oussama Ben Laden pour ne pas se retrouver orpheline de leadership. Certains, avec une construction argumentaire tout à fait vraisemblable, vont jusqu'à dire que Ben Laden est mort et que si on ne l'a pas annoncé, c'est parce que son premier- et unique- carré de lieutenant a jugé que l'organisation, au point où elle en est a plus besoin d'un mythe vivant que d'un héros sous terre qui chamboulerait tout ce qui a été bâti comme fiction autour de sa personne. Mais mort ou vivant, on le rappelle cycliquement au bon souvenir de l'opinion et, à tout seigneur tout honneur à ceux qui sont engagés politiquement et militairement lui font la traque tous les jours que Dieu fait. Qu'on ne s'y méprenne pas pourtant, ce n'est pas toujours en période de disette opérationnelle qu'on glisse un enregistrement de Ben Laden dans la boîte aux lettres, toujours disponible, d'Al Djazeera, comme on a tendance à le suggérer. D'abord parce que ce serait trop gros pour ne pas être remarqué, ensuite parce que les organisations de ce type n'ont pas comme habitude de faire part de leurs difficultés. La dernière «cassette» a quand même un contexte. Depuis que Georges Bush, ses travers et son impopularité légendaires, n'est plus là pour booster son discours, il fallait bien qu'Al Qaïda «rassure» ses ouailles et rappelle ses quelques sympathies hésitantes que le discours du Caire de Barack n'a rien changé à la donne. En traitant le nouveau président des Etats-Unis d'«esclave noir», elle va plus loin pour que personne ne se fasse d'illusion. Personne ne s'en faisait vraiment, mais il se peut que cette fois-ci ce que dit-ou ce qu'on fait dire- à Ben Laden pourrait être important. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir