L'émir Turki Al Fayçal a été pendant très longtemps au contact du terrorisme islamiste et de ses matrices idéologiques. L'ancien chef des services secrets saoudiens, Turki Al Fayçal, qui prendra officiellement ses fonctions d'ambassadeur d'Arabie Saoudite aux Etats-Unis dans les prochains jours, a fait, avant-hier, jeudi sur la chaîne Al Arabiya, des révélations intéressantes à propos d'Al Qaïda, de Ben Laden et de l'avenir du djihad dans le monde arabe à l'ombre de la suprématie américaine. L'ancien patron des services secrets du royaume d'Al Saoud a eu des relations privilégiées avec les islamistes, dont Oussama Ben Laden lui-même, dans les années quatre-vingt, d'où l'intérêt de ses thèses. En outre, c'est un connaisseur avisé et un fin observateur de tous les mouvements islamistes radicaux depuis la naissance des Frères Musulmans à Ismaïlia, en 1927. Et tous les spécialistes des affaires liées au terrorisme islamiste savent quel crédit lui portent les responsables américains. D'où, peut-être, sa désignation à Washington à partir du mois de novembre. Turki Al Fayçal estime que le duopole Ben Laden Al-Zawahiri a atteint ses extrêmes limites et que , désormais, c'est le second qui semble prendre le pas sur le premier. Il explique cela par le fait que c'est l'Egyptien qui donne désormais les orientations, fait des apparitions et dirige la guerre. «Evidement, Al Qaïda c'est Ben Laden et Al Zawahiri réunis, mais c'est Ben Laden qui est le héros du djihad.C'est lui le chef emblématique et le modèle des combattants islamistes. Or, Al Zawahiri n'a rien à lui envier. Au contraire. C'est le théoricien et la matière grise d'Al Qaïda. Ben Laden a surtout compté pour avoir permis le financement, la logistique, l'encadrement et l'entraînement des troupes. Aujourd'hui, il est temps pour Al Zawahiri de prendre la relève.» Depuis près d'une année, Ben Laden, amaigri, fatigué, semble effacé. C'est Al Zawahiri qui rédige les communiqués d'Al Qaïda et apparaît dans les enregistrements diffusés par l'organisation, et c'est lui qui devient peu à peu l'interlocuteur médiatique des puissances occidentales et qui revendique les attentats. Que devient Ben Laden? «On dit qu'il est mort, ou très malade, peut-être blessé. Moi je sais qu'il est toujours en vie. En fait, tout indique que Al Zawahiri se prépare pour prendre la direction d'Al Qaïda. Non qu'il s'agisse d'une lutte de leadership au sein du commandement de l'organisation, mais le moment semble propice pour Al Zawahiri d'imposer son propre plan. Bien sûr, il s'agit de deux personnages influents, qui ont, chacun, leurs propres visions, mais ils semblent être deux facettes d'une même idée du Djihad». Turki Al Fayçal estime que la cote de popularité de Ben Laden a considérablement baissé en Arabie Saoudite: «Ben Laden a fait des choses intéressantes pour le djihad musulman jusqu'en 1990, mais par la suite, il a sombré dans des actes de violence, particulièrement sanglants, et les gens se sont détournés de ses idées. Je pense qu'aujourd'hui 4% seulement des Saoudiens continuent à lui faire confiance, bien qu'il demeure - je le sais - un héros chez beaucoup de musulmans dans le monde (....) les attentats de Riyad l'ont beaucoup discrédité». Concernant l'avenir du djihad transnational de type Al Qaïda, Turki Al Fayçal souligne que les références de ce djihad s'alimentent à partir du problème palestinien, et récemment irakien: «Je prendrai bientôt mes fonctions à Washington et je ferai part encore de cela aux responsables américains, comme je l'avais fait auparavant. Car tant que la crise palestinienne persiste, et depuis peu, la crise irakienne, le djihad aura sur quoi s'appuyer pour convaincre les foules.»