«Les geôles d'Alger sont des lieux de débauche par excellence ; j'ai connu les affres des quatre murs, un toit…» Spontanément, Fatma Zohra lâche ces quelques phrases hachurées, incompréhensibles, tant sa douleur est grande. A 35 ans, divorcée, elle se retrouve avec trois enfants à charge. Cette femme, comme beaucoup d'autres, a séjourné dans une cellule. Elle a sa propre histoire, comme les autres. Nous l'avons rencontrée dans un abribus, dans la périphérie algéroise, en plein travail : tendre la main pour quémander une aumône. Fatma Zohra était propre et bien vêtue, ce qui a attiré notre curiosité. Interrogée sur les raisons de son comportement, la jeune femme nous raconte son histoire non sans quelques réticences. «Je suis divorcée. Mari m'obligeait à travailler et à faire ‘'n'importe quoi'' pour lui ramener de l'argent afin qu'il achète sa dose quotidienne de drogue.» La jeune femme continue son récit en larmes : «Un jour, je suis rentrée chez moi tard le soir. A ma grande surprise, j'ai trouvé mon mari qui m'attendait sur le seuil de la porte. Sans un mot, il jette mes affaires et les enfants dehors et me renvoie chez mes parents. Je me suis retrouvée dans une situation très difficile. Ma famille n'a pas voulu prendre en charge mes enfants sous prétexte qu'ils étaient de mon ex-mari aussi.» Suite à un vol de biscuits et de gâteaux dans une supérette à Alger, Fatma Zohra a écopé d'un an de prison ferme qu'elle a passé à la prison d'El Harrach. L'ex-détenue raconte en larmes son histoire et son séjour à l'intérieur de ces geôles. Fatma Zohra révélera qu'au sein des prisons algériennes tout est possible. «J'ai passé des vingtaines de jours à pleurer. Vous vous rendez compte, mon mari me prive de la pension alimentaire et c'est moi qu'on punit alors que Dieu seul sait que c'est pour mes enfants que j'ai osé voler.» Nous avons insisté pour qu'elle nous parle des conditions de vie en prison pour la gent féminine. «Dans la cellule où j'étais, il y avait des femmes qui avez déjà fait 5 ans de prison ou plus pour des raisons différentes. Il y a des clans et généralement la chef est une vieille, elle se permet tout, elle a même un téléphone portable. elle a droit à un traitement de faveur.» Fatma Zohra continue difficilement son récit : «Ca me fait mal, je n'arrive pas à oublier, je suis une fille de bonne famille. croyez-moi je suis traumatisée et ce qui me tue le plus c'est le regard des autres…» Sur un autre registre, l'ex-détenue a révélé que la vie en prison est infecte. «Les sanitaires qui se trouvent à l'intérieur des cellules sont immondes. Les dépressions et les tentatives de suicide font aussi partie du quotidien.» Elle cite le cas dramatique d'une jeune fille qui a tué son père parce qu'il abusait d'elle. «Par moment, elle se prend le cou avec les deux mains et serre très fort pour se donner la mort. Elle n'a plus personne, elle est reniée par sa famille. Vous vous imaginez, pour le soin intime de son corps, elle quémande des serviettes que parfois les surveillantes lui offrent. Tout cela épuise.» Depuis sa sortie de prison, Fatma Zohra déambule dans les rues d'Alger à la recherche d'un bout de pain pour nourrir ses enfants.