Le gouvernement marocain a fait une bien curieuse lecture des conclusions des travaux de la IVe commission de l'assemblée générale des Nations unies qui vient de réaffirmer, une fois de plus, et toujours avec beaucoup de clarté, le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Mieux, le comité de décolonisation a tenu à rappeler, pour ne laisser planer aucun doute sur les dispositions de sa résolution, que le conflit du Sahara occidental est un problème de décolonisation. Rabat n'a rien lu de ça dans la résolution. Faisant vraisemblablement contre mauvaise fortune bon cœur, le gouvernement marocain s'est empressé d'exprimer avec une certaine audace sa «satisfaction» pour cette nouvelle résolution. Pourtant, celle-ci autant que les précédentes, signées de la main de ce même comité de décolonisation à chacune de ses réunions, s'est voulue on ne peut plus claire. Elle a ignoré globalement et dans le détail la «marocanité» du Sahara occidental sans faire la moindre allusion à son «plan d'autonomie» pour le territoire sahraoui. Où Rabat donc, la loupe du gouvernement marocain, a-t-elle trouvé motif à telle satisfaction ? Rabat, il faut le comprendre, a bâti toute sa stratégie sur ces deux arguments. Aussi le régime marocain ne peut pas se déjuger. Pas devant son opinion publique. C'est donc, et avant tout, pour consommation interne que le communiqué officiel sur ton triomphaliste a été rédigé. Il ne peut pas davantage assumer ouvertement ce nouveau fiasco diplomatique qui lui serait préjudiciable dans ses négociations directes avec le Front Polisario qu'il n'a accepté de reprendre que sous la pression des Etats-Unis. Rabat ne peut pas reconnaître son désaveu sans renoncer au dernier argument qui lui reste - son plan d'autonomie - pour faire valoir sa «marocanité» sur l'ancienne colonie espagnole. Donc, sans risquer d'accentuer son désaveu sur la scène internationale. Sa diplomatie fait donc feu de tout bois. Ses diplomates se félicitent que la IVe commission n'ait pas fait mention des violations des droits de l'homme au Sahara occidental, un thème qui a largement dominé les interventions des nombreux membres de la société civile. L'ONU, en fait, n'avait pas besoin de revenir sur un sujet qui a fait l'objet de rapports les plus accablants contre la puissance occupante du Sahara occidental. A l'initiative, cette année, d'Amnesty International, de Humans Rights Watch et du Parlement européen. Toutes ces institutions ont attiré l'attention de la communauté internationale sur les violations des droits de l'homme au Sahara occidental et invité notamment les pays européens, à faire pression sur le royaume alaouite afin que cessent les viols, la torture, les arrestations massives et les disparitions des indépendantistes. La France et l'Espagne, principaux soutiens du Maroc, très strictes sur le respect des droits de l'homme dans leurs relations de coopération avec les pays où la torture est institutionnalisée, ont gardé un silence qui en dit long sur leur malaise d'avoir à défendre l'indéfendable. La IVe commission n'a pas été dupe de ces complicités qui ont tout de même réussi à faire l'impasse sur les droits de l'homme là où ils sont le plus violés. Le droit à l'autodétermination c'est aussi, et avant tout, le premier des droits de l'homme.