Le jour de la chute du mur de Berlin, la future chancelière de l'Allemagne réunifiée, Angela Merkel, ne voulait pas renoncer à son plaisir habituel du jeudi. Oh, pas grand-chose pour le prof de physique joviale et apaisée qu'elle était à l'époque : juste un sauna avec une copine avant d'aller papoter en sirotant une bière. La suite de la soirée, Angela Merkel la passera sur son canapé à regarder la télé. Eh oui, cette femme qui a eu une ascension fulgurante dans la hiérarchie politique «allemande» et est devenu quelques années après la première femme – venue de l'Est qui plus est – à accéder à la plus haute responsabilité de son pays n'a pas de journée héroïque à raconter, ni de parcours de combattante à revendiquer. Naturellement, avec beaucoup de détachement, elle dit, même avec une certaine désinvolture, qu'elle avait «raté» la nuit de la chute de Berlin comme d'autres auraient dit qu'ils n'avaient pas pu voir un important match de foot. Cette petite femme n'était ni l'incarnation de l'apparatchik en jupon ni l'exemple du militant démocrate qui aurait défié le système. Elle n'a pas de passé d'ancienne maquisarde à faire valoir pour donner quelque légitimité à son arrivée aux affaires de son pays. Pas de réunion clandestine sous la menace de la police politique, pas de séjour en prison, pas d'interminables et violents interrogatoires qui puissent inspirer le cinéma et la littérature. Bien sûr, comme tous les Allemands de l'Est qui vivaient la glaciation dans une douleur secrète, elle avait des rêves pleine la tête. Revoir ses amis d'enfance de l'autre côté du mur, entamer une vraie recherche dans sa chaire de physique et, suprême luxe, aller se faire un gueuleton d'enfer en compagnie de sa mère au «Kempinski», célèbre brasserie de Berlin ouest connue pour ses huitres. Elle avait même la possibilité de se rendre de l'autre côté et s'y installer, mais elle ne l'a pas fait. Non pas qu'elle était particulièrement heureuse sous le ciel communiste, mais il y avait autour d'elle des choses, des liens auxquels elle ne pouvait renoncer par un coup de tête dont elle savait à l'évidence qu'il ne changerait rien à sa destinée. Dans ses rêves apaisés, la petite Angela ne voyait pas l'Ouest, mais l'Allemagne. Et l'Allemagne a fait d'elle, une rupture historique et quinze ans plus tard, l'une des chefs d'Etat les plus populaires de l'histoire de son pays et la femme la plus puissante du monde. Avec la légitimité des urnes et le mérite personnel. Elle savait peut-être avant l'heure ce qui pouvait compter dans son parcours et elle a emprunté le sentier le plus sûr qui pouvait l'y mener. Les huitres et la bière au «Kempinski» ce n'est plus un rêve aujourd'hui, mais c'est un luxe de n'avoir que ça à raconter le jour des 20 ans de la chute du mur. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir