Berlin, la capitale de l'Allemagne réunifiée, n'a pas lésiné sur les efforts pour fêter avec faste la commémoration de la chute du mur de la honte. L'Europe et l'Occident s'associent à l'évènement. Celui-ci a bouleversé l'échiquier mondial, au point que l'actuelle chancelière Angela Merkel est… issue du bloc de l'Est. A Berlin, 20 ans après la chute du mur de la honte, les représentants des quatre puissances alliées : la Russie, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France, qui avaient précipité la défaite de l'Allemagne nazie en 1945, se retrouvent donc à Berlin pour pavaner ensemble. Et fêter, surtout, ce qu'ils considèrent comme une victoire du capitalisme contre le communisme. Une victoire du bien contre le mal. La Porte de Brandebourg qui fut bloquée par le mur de la honte est le haut lieu de ce rendez-vous. C'est un symbole qui rappelle comment le mur de Berlin a été érigé en plein centre-ville pendant la nuit du 12 au 13 août 1961 par la RDA pour tenter de mettre fin à l'exode croissant de ses habitants vers la RFA. L'édifice qui a séparé Berlin-Est et Berlin-Ouest pendant plus de vingt-huit ans n'offrait qu'une seule brèche : le Checkpoint Charlie, qui permit un passage hautement surveillé entre l'Est et l'Ouest. Entre les deux blocs. Faire le mur à la Bernauer Strasse La Bernauer Strasse est l'autre lieu emblématique en ce sens que les Berlinois qui voulaient fuir le communisme ont trouvé ici le moyen de le faire. Ils furent nombreux à «faire le mur», ce dernier étant pratiquement accolé à leurs balcons et maisons, il leur suffisait de sauter par la fenêtre… Ce qui eut pour conséquence de faire murer toutes les fenêtres côté Est… Mais le mur de Berlin symbolise surtout ce fameux rideau de fer, lui-même symbole d'une guerre froide qui perdura entre les deux blocs, communiste et capitaliste, qui se sont fatalement créés dès la fin de la Seconde guerre mondiale. On se souvient de cette fameuse conférence de Yalta qui réunit dans le plus grand secret les chefs de gouvernement Joseph Staline, de l'Union soviétique, Winston Churchill, du Royaume-Uni, et Franklin D. Roosevelt des Etats-Unis, aux fins inavoués de reconfigurer le monde. On comprend mieux pourquoi le bloc capitaliste et les Occidentaux jubilent quand il s'agit d'évoquer ce bras de fer qui leur a été favorable, surtout à cause d'un régime communiste qui ne pouvait plus tenir à cause de ses dissensions internes. Plusieurs révoltes, puis arriva Jean Paul II… On ne refera pas l'histoire, mais si le mur est tombé, c'est bien parce que le «fruit était mûr», pour ne pas dire pourri, et bien parce que l'objectif était d'affaiblir de l'intérieur le bloc communiste. Et si la révolte des Hongrois contre Staline en 1956, le printemps de Prague en 1968, qui furent matés dans le sang, annonçaient déjà la volonté de certains pays du Pacte de Varsovie à s'affranchir de la tutelle soviétique ; ce fut surtout l'arrivée, en octobre 1978, de Carol Wojtyla, ce Polonais qui devint le pape Jean Paul II, qui accéléra la chute du mur de berlin. En effet, «son soutien aux dissidents de l'ex-bloc soviétique, en particulier au syndicat Solidarnosc de Lech Walesa en Pologne, ainsi que le symbole de son élection, ont joué un rôle important dans l'effondrement des régimes communistes en Europe de l'Est à la fin des années 1980». 9 novembre 1989, vingt-trois heures sept Il y eut bien sûr ensuite la Glasnost si chère à Gorbatchev et tant d'autres manœuvres jusqu'à ce fameux soir du 9 novembre 1989 quand Günter Schabowski, le nouveau porte-parole du gouvernement Est-allemand, annonce dans une conférence de presse : «Nous avons décidé aujourd'hui de prendre une disposition qui permet à tout citoyen de la RDA de sortir du pays par les postes frontières de la RDA. Il n'en a pas fallu plus pour que Harald Jäger, officier de la PAF est-allemande qui était de service au poste frontière de la Bornholmer Strasse qui avait vu la retransmission en direct, prenne l'initiative d'ouvrir aussitôt la barrière. Il était 23h07. Ce fut le premier point de passage ouvert officiellement vers l'Ouest. Ce fut sans doute le point de départ, dans la stupeur et la confusion, de ce vaste mouvement populaire qui fit que le mur de Berlin se mit alors à tomber, entraînant le communisme dans sa chute… Et si la plupart des pays du Pacte de Varsovie sont aujourd'hui maîtres de leur destin, on ne peut que s'en féliciter, même si tout cela s'est fait souvent dans le désordre et au prix de nombreux sacrifices et magouilles qui ne profitent qu'au bloc occidental. Hillary Clinton dénonce le mur ; tous les murs ? 20 ans après, le capitalisme se réjouit et fête avec beaucoup de faste cet évènement. Tels l'ancien chancelier allemand Helmut Kohl, le dernier président soviétique Mikhaïl Gorbatchev et l'ex-président américain George W. Bush qui se sont retrouvés samedi pour donner le coup d'envoi des célébrations de ce 20e anniversaire dont la chute du rideau de fer, qui représente pour eux le symbole de la Guerre froide et de la division de l'Europe. Tout cela est de bonne guerre et l'on ne peut d'ailleurs qu'approuver – une fois n'est pas coutume – la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton qui a, quant à elle, dès son arrivée en Allemagne dimanche, appelé à «un partenariat plus fort» entre les Etats-Unis et l'Europe pour, a-t-elle précisé, faire tomber les murs du XXIe siècle et lutter notamment contre l'oppression religieuse des talibans. Nous aimerions d'ailleurs la prendre au mot, car des murs de la honte, il en existe encore et des pires. Ils ont d'ailleurs été érigés durant ces vingt dernières années pour la plupart. C'est dire combien il est important de les mettre à bas ! Ils sont partout ces murs. Ils essaiment à travers le monde. Nous n'en citerons que les plus spectaculaires. Tous ces murs qui nous entourent… D'abord, la grande muraille marocaine érigée sur plus de 2700 kilomètres pour prétendument protéger le Maroc des éléments du Front Polisario, alors que peuple marocain vit un mépris au quotidien ; l'Espagne ayant érigé une barrière électrifiée gardée par des soldats, aux enclaves de Ceuta et Melilla. Le mur qui sépare l'Inde du Pakistan réalisé par les Indiens sur plus de 3000 kilomètres. Les 900 kilomètres de barrière ultramoderne que l'Arabie Saoudite a réalisée à sa frontière avec l'Irak mais aussi le mur érigé par les Saoudiens pour se protéger des «infiltrations» Yéménites. Grâce à l'oncle Sam, le Pakistan construit actuellement une barrière de 2400 km pour être séparé de l'Afghanistan ! Toujours dans le même esprit : les Emirats arabes unis sont en train de mettre en place une barrière sur leur frontière avec Oman et le Koweït renforce le mur de 215 km le long de sa frontière avec l'Irak. Plus scandaleux encore, Mme Clinton, c'est ce mur qui existe entre le Mexique et votre pays et censé protéger les Américains de l'émigration de Mexicains illégaux qui cherchent à fuir la misère… Le plus infâme des murs : celui de Cisjordanie… En Irlande, depuis plus de trente ans, on tient à séparer les catholiques des protestants. Dans ce but, des rues ont été coupées afin de mettre un terme aux jets de pierres, cocktails Molotov, grenades et autres projectiles… Et cet autre mur moral, celui-là qui fait que l'Europe citadelle a voté des lois scélérates en pratiquant l'immigration sélective pour se prémunir de toute migration grâce aux accords dits de Schengen ? Qu'en pensez-vous Monsieur Sarkozy, vous qui fûtes – si l'on en croit vos propos diffusés sur Facebook – de ceux qui attaquèrent le mur de Berlin à coups de pioche, en compagnie de Fillon et de Juppé ? Mais passons… Aujourd'hui, de tous ces murs, le plus ignoble et le plus infâme, celui qui rappelle le plus le mur de la honte dont on commémore aujourd'hui la chute, c'est bien la barrière de séparation israélienne qui a été construite par l'entité sioniste en Cisjordanie, sous le nom de «clôture de sécurité», dans le but déclaré d'empêcher physiquement toute «intrusion de terroristes palestiniens» en Israël. Cette construction, commencée le 16 juin 2005 et dont le tracé de près de 700 km est controversé et n'a pas été foncièrement modifié, malgré les pressions internationales, consiste dans sa longueur en une succession de murs, de tranchées et de portiques électroniques. En 2005, la cour internationale de justice, qui ne s'est jamais exprimée sur les autres barrières de séparation construites dans le reste du monde, a jugé cette construction contraire au droit international. Comme quoi, tous les murs ne sont pas destinés à être abattus !