On ne sait pas dans quelle mesure ça les consolera, mais ça doit leur faire quand même quelque chose aux sans-papiers de voir les images de leur irruption, à leur corps défendant, dans le débat économique français. L'idée du gouvernement de fermer les entreprises qui emploient des étrangers en situation irrégulière est, comme il fallait s'y attendre, dans la polémique avant que ne commence la «discussion». Bien sûr, l'opposition, qui fait son travail de s'opposer, est dans une posture beaucoup plus confortable pour réclamer, ce qui, fondamentalement, ne manque pas de bon sens, tout simplement la régularisation de tous les sans-papiers qui ont un emploi. Le problème est que la gauche, les socialistes en tête, traînent de vieilles mais inusables casseroles sur la question. Comme s'opposer ne suffit pas toujours et qu'il faut parfois faire preuve d'imagination, il est difficile de convaincre en reconvoquant les élans populistes du début du règne mitterrandiste dont les résultats qui l'ont prolongé n'ont pas été un exemple de réussite, surtout en termes d'intégration et de promotion sociale. Mais les socialistes, en crise de perspective et de leadership, ne peuvent pas laisser passer une question aussi sensible, sans surenchérir. D'abord à l'endroit d'une majorité dont le détrônement devient de plus en plus problématique, ensuite pour régler quelques questions «entre camarades» qui ont décidément de moins en moins de choses à partager. Face à l'anti-projet socialiste, la droite aux affaires a le mérite de la clarté programmatique et de la solidarité familiale. Elle a un projet et elle le déroule, elle a un chef et elle fait corps autour de lui. Dans la question des sans-papiers employés par certaines entreprises, elle ne fait rien d'autre que faire valoir une légalité dont les dispositions n'ont pas été combattues par leurs adversaires avec la même véhémence déployée au moment où le gouvernement songe à y recourir. Vincent Peillon, euro-député et figure du parti socialiste, doit quand même savoir que la régularisation, dans l'absolu, n'a pas réglé grand-chose et qu'il est attendu de l'opposition bien plus que le «pour que la France soit fidèle à son image – le soldat de la liberté, le pays qui porte les droits de l'homme – je crois qu'il faut être aujourd'hui généreux et accueillir ces gens-là», qu'il a servi à tous les micros qui lui ont été tendus. Surtout que ce n'est pas seulement au sein de la majorité que son discours ne passe pas, puisque c'est Jean-François Roubaud, président de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, qui soutient le projet du gouvernement, qui lui répond de la manière la plus nette : «Une entreprise qui, sciemment, emploie des sans-papiers, à des tarifs, dans des conditions qui ne sont pas acceptables, il est normal qu'elle soit fermée : c'est totalement illicite et c'est de la concurrence déloyale.» Entre un projet pas toujours généreux et son contraire, très peu imaginatif, les sans-papiers, qu'ils aient un emploi ou non, ne sont pas près de voir le bout du tunnel.