Nassim Brahimi Les instructions Ouyahia, concernant les investissements étrangers, n'en finissent pas de susciter les réactions. Dans un entretien accordé à l'édition du vendredi d'«El Watan», Jean-François Heugas, Directeur Général de la Chambre française de commerce et d'industrie en Algérie (CFCIA), a exprimé le sentiment d'incertitude qui prévaut chez les investisseurs français, engendré essentiellement par ce qu'il appelle «instabilité juridique». Un sentiment qui est, également, partagé par les autres investisseurs étrangers, puisque les Américains, les Italiens et les Allemands ont, tous, réclamé plus de «clarté» à propos des nouvelles mesures économiques décidées par le Gouvernement. Telles qu'exprimées par le Français, les revendications des investisseurs étrangers ne visent pas, essentiellement, les mesures en soi, mais plutôt leur «traduction par des textes de loi». «Ce que nous demandons, c'est la traduction de ces instructions en textes de loi car nous ne pouvons pas travailler dans un climat instable», déclare M. Heugas à «El Watan». Pour expliquer cette situation, rappelons qu'à l'heure actuelle, aucun texte d'application n'existe pour l'instruction Ouyahia. Cette situation a fait qu'au niveau du ministère du Commerce, on ne sait pas comment appliquer la décision de faire associer un partenaire algérien à hauteur de 30% dans toutes les entreprises étrangères importatrices. Aussi, l'amalgame a touché les autres investissements, puisque de nombreux notaires hésitent à élaborer les Statuts des entreprises étrangères, même si elles n'activent pas dans l'import-export. C'est dans ce sens que le DG de la CFCIA a décidé de s'adresser au Premier ministre afin d'y voir plus claire. «Nous avons adressé un courrier le 31 mars dernier au Premier ministre en association avec la Chambre de commerce américaine en Algérie, et nous attendons toujours la réponse», précise t-il. Se gardant de critiquer la politique économique algérienne, Jean-François Heugas expliquera les mesures Ouyahia par le contexte économique morose, du à la récession, et au souhait de l'Algérie de réduire la facture des importations. Néanmoins, c'est plutôt sur la forme que sur le fond qu'il apportera quelques critiques: «Bien évidemment, des mesures devaient être prises. Ahmed Ouyahia a tout à fait raison de vouloir mettre fin à cela. Le problème, c'est qu'il faudrait fixer des règles du jeu et qu'elles ne changent pas». Il poursuivra, dans ce sens, que ces décisions peuvent hypothéquer le flux des IDE vers l'Algérie: «(…) Personne n'est obligé d'investir en Algérie et ces entreprises (françaises) pourraient très bien le faire ailleurs. Les instructions du Premier ministre ont conditionné beaucoup de choses. Le code des investissements établit la liberté totale de l'investissement étranger». Avant d'ajouter: «Nous souhaitons qu'il y ait plus de sécurité juridique». L'Algérie veut du concret M. Heugas admettra, cependant, que le durcissement des conditions d'accès au marché local est la faute de certains investisseurs étrangers: «A notre avis, les circulaires ont été provoquées par les agissements de certains opérateurs étrangers qui transfèrent de l'argent plus qu'ils n'investissent». «On comprend le fait que les autorités veuillent réduire la facture des importations. C'est légitime mais on devrait assainir le climat des affaires autrement…». Concernant les entreprises françaises qui risquent d'être directement touchées par l'instruction Ouyahia, le DG de la CFCIA citera les exemples des assureurs AXA et AGF et du Groupe Saint-Gobain. L'implantation de ces derniers risque, en effet, d'être compliquée si des clarifications ne sont pas apportées aux dernières mesures économiques décidées par l'Algérie. En réalité, la relation entre les pouvoirs publics et les investisseurs étrangers a marqué un tournant depuis que le président de la République ait critiqué leur faible apport pour le pays. L'Algérie reproche aux étrangers de ne pas apporter une véritable valeur ajoutée à leurs investissements, se contentant de faire du commerce et négligeant la formation des Algériens et le transfert de savoir-faire. Un échange de connaissance que l'Algérie exige pour pouvoir prétendre à une économie forte et diversifiée qui ne dépend pas, exclusivement, des hydrocarbures, encore moins des étrangers. N.B.