Eclipsé par le foot, l'Aïd a été contraint de renoncer à ces moments les plus palpitants. Réaliste, il sait que rien ne peut résister à la déferlante du ballon, surtout quand il se négocie à ce stade de gloire nationale. La Coupe du monde, c'est tous les quatre ans et ce n'est jamais évident, y compris pour les plus grandes nations du foot, celles dont on dit que ce rendez-vous planétaire est difficilement envisageable sans leur présence. L'Aïd, c'est chaque année. Ce n'est jamais à la même période, mais c'est quand même d'une régularité de métronome et ce qui ne gâte rien, accessible à tout le monde. Enfin presque. Si on arrive à se mettre dans la tête que le mouton n'est pas une nécessité absolue et qu'on peut très bien habiller les mômes sans se ruiner, il est globalement possible d'être dans la fête pour la majorité. Si l'Aïd et la Coupe du monde revendiquent haut et fort leurs différences, rien n'empêche qu'elles se ressemblent. Tenez, on pouvait voir le match qui nous a envoyés au paradis sud-africain sans avoir à faire le voyage de Khartoum, tout comme un mouton à 70 000 dinars n'assure pas un plus grand bonheur que celui de 20 000. Sur écran plasma ou un vieux poste Enie, Antar Yahia a marqué le même but et le rituel de l'Aïd, comme ses couleurs sont immuables pour tout le monde. A Khartoum, à Alger ou à Jijel, on s'est embrassé sans se connaître, on a partagé le sandwich et le sachet d'eau sans se poser de questions et versé les mêmes larmes de joie sans avoir à se regarder dans les yeux. Demain on fera l'accolade au voisin qu'on salue rarement dans l'escalier et les enfants récolteront des pièces sans avoir à en expliquer la provenance. L'Aïd a été éclipsé par le foot à ces moments les plus palpitants, il «égalise» en écourtant le prolongement d'une euphorie promise à la durée. Les moutons se sont vendus un peu plus tard parce que vendeurs comme acheteurs, il n'y avait pas grand monde à avoir la tête à ça, mais ils se vendent quand même. Les prix ont même été multipliés comme il fallait s'y attendre : on ne va tout de même pas perdre le nord sous prétexte qu'on va aller en Afrique du… Sud ! Les plus belles joies se paient et se rentabilisent. La Coupe du monde, c'est l'été prochain, l'Aïd prochain un peu plus tard. En attendant, saha aïdkoum la Coupe du monde. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir